Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

198 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

menaces de destitution, tous les fonctionnaires à faire acte de catholique‘.

Lamennais les dépassait tous par son zèle ultramontain et exclusif. Il critiquait dans le Mémorial catholique les projets de loi Villèle comme trop restrictifs des droits de l'Église et presque athées. Dans un nouvel ouvrage, La Religion considérée dans ses rapports avec l'ordre politique et civil (1825), il reprit la thèse de J. de Maistre dans « le Pape » et l’appliqua à notre pays : « La France depuis 1789, y disait-il, est devenue « une démocratie; quoiqu'ayant un roi à sa tête, c’est une « République fondée sur l’athéisme. L'État ne redeviendra « chrélien qu'en cessant de protéger et salarier différents cultes « et en traitant l’Église catholique comme la première des « institutions civiles. »

$S 5. — Cette pression exercée sur les consciences par le pouvoir civil, se faisant le domestique d’une confession religieuse, était intolérante au premier chef. Dans un pays comme la France, qui a toujours eu un sentiment très vif de la justice et de la franchise, elle devait provoquer la protestation indignée de tous les amis de la liberté et de la sincérité religieuses. Aussi vit-on se dresser en face du parti prêtre une opposition formée non seulement des anciens libéraux, mais d’un bon nombre de royalistes modérés et de catholiques gallicans, recrutés dans l’armée et la magistrature. Dans la première catégorie mentionnons le général Foy, Manuel, le général La Fayette, Béranger, Kératry, P.-L. Courier; parmi les seconds, Camille Jordan, Royer-Collard, le due de Broglie, le comte Lambrechts, le comte de Montlosier et Chateaubriand qui, revenu de sa ferveur ultra-royaliste et catholique, venait apporter à l'opposition l'appui de son nom et de son génie.

Chateaubriand, dans sa correspondance avec le comte de Montlosier, séparait nettement la cause de la religion de celle du parti prêtre : « Je veux la religion comme vous, lui

1. Par exemple, on supprima sa pension au géomètre Legendre, qui passait pour être un libre penseur.