Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

190 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

Le mouvement d'opposition devint si fort qu'il entraina la chute du cabinet Villèle. Le ministère Martignac qui lui succéda (4 janvier 1828) compta pour la première fois un ministre laïque de l'instruction publique, M. de Vatimesnil. Soutenu par lopinion libérale, il publia les ordonnances du 16 juin, qui constituaient une victoire de la tolérance. La première, préparée par le comte Portalis, statuait que les sept écoles secondaires dirigées par les Jésuites seraient soumises au régime de l'Université et que, désormais, nul ne serait chargé de l’enseignement dans une maison dépendant de l'Université ou dans un collège ecclésiastique, s'il n’affirmait par écrit qu'il n’appartenait à aucune congrégation non légalement rétablie en France. La seconde ordonnance, rédigée par M*' Feutrier, évêque de Beauvais, limitait À 20000 le nombre des élèves qui seraient admis dans les écoles secondaires ecclésiastiques, interdisait d'y recevoir aucun externe et les plaçait sous le contrôle des évêques et des archevêques.

Ces deux ordonnances provoquèrent un véritable soulèvement dans les rangs du clergé ; un certain nombre de prélats se réunirent chez l'archevêque de Paris pour rédiger une adresse au Roï, déclarant qu'on ne pouvait y obéir. Cette protestation fut signée par 73 évêques, l’archevèque de Toulouse en tête’. Les évêques publièrent en outre des mandements qui dénonçaient le triomphe de l’athéisme et préparaient les fidèles à de nouveaux martyres. De Bonald, DuplessisGrénedan fondèrent une « Association pour la défense de la religion catholique », qui prêchait la désobéissance à ces ordonnances. |

Martignac, mal soutenu par Charles X, se sentant débordé, fit alors un coup de maitre: il dépècha à Rome un envoyé secret qui avait l'oreille de Bernetti, le secrétaire d’État ; celui-

1. On connaît la réponse de ce dernier, cardinal de Clermont-Tonnerre au ministre, qui lui demandait les informations nécessaires pour appliquer la loi : « Monseigneur, la devise de ma famille est: « Ætiam si omnes, « ego non! C'est aussi celle de ma conscience. J’ai l'honneur d’être, « avec la respectueuse considération, que je dois à un ministre du « Roi, À. F., cardinal archevêque de Toulouse. »