Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

240 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

Mais dans l'Église réformée, chose triste à dire ! les atteintes à la liberté de conscience vinrent de l’intérieur, de certaines autorités ecclésiastiques. Oublieux des principes du libre examen posés par la Réformation et si sagement observés par l'Église de Genève, le consistoire de l'Église réformée de Paris voulut ériger la doctrine de la majorité de ses membres en règle de foi’ et exclure des fonctions de pasteur tous ceux qui n’y souscrivaient pas. Il s’en prit à deux pasteurs de la capitale, chéris de leur troupeau et dont le talent et le caractère étaient estimés même au dehors, mais qui avaient le tort de vouloir traduire les doctrines de la Bible en langage moderne: MM. Martin-Paschoud, titulaire de la chaire de l’Oratoire, et Athanase Coquerel (fils), son suffragant. On y commença à faire le procès du suffragant, en donnant comme prétexte qu'il avait fait un compte-rendu de la Vie de Jésus de Renan sous forme de lettres adressées à l’auteur en l’appelant son cher et savant ami. Mais la vraie raison est qu'il défendait des idées libérales dans le journal le Lien et qu'il avait encouragé ses amis laïques à fonder l'Union protestante libérale pour la défense de leurs droits menacés. On le mit en demeure d’avoir à opter entre sa participation à ces deux deux œuvres et sa place de pasteur. Il refusa d’accepter ce dilemme et ses fonctions de suffragant ne lui furent pas renouvelées par le conseil presbytéral de l’Oratoire (26 février 1864).

Deux jours après (28 février) Ath. Coquerel remontait pour la dernière fois dans la chaire de l’Oratoire et prononçait un discours, où il revendiquait éloquemment les droits du libre examen. Séance tenante, 800 personnes signèrent une protestation à laquelle s’associèrent 17 consistoires et 30 conseils presbytéraux!. Mais le conseil presbytéral de Paris, s'appuyant sur la lettre de la loi, ne céda point. Deux ans après, le consistoire essaya de mettre d'office à la retraite le

1. On s'étonnera de trouver M. Guizot en tète des promoteurs de cette politique intolérante,