Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

72 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

d'État ? Rousseau propose deux solutions. La première serait d'établir une religion purement civile, dans laquelle on ne garderait que les 2 ou 3 dogmes fondamentaux de toute bonne religion; mais on en imposerait la profession à tous les citoyens. L'autre solution est de laisser le christianisme tel qu'il est dans son véritable esprit, libre, dégagé de tout lien de chair, sans autre obligation que celle de la conscience, sans autre gène dans les dogmes que les mœurs et les lois. C’est vers la première que Rousseau pencha, en développant les conditions dans le chapitre VIIT de son « Contrat social » et dans ses Lettres de la montagne. « On doit, « dit1l, tolérer toutes les religions qui tolèrent les autres, « en tant que les dogmes n'ont rien de contraire aux « devoirs du citoyen. Mais quiconque ose dire : « Hors de « l'Église, point de salut » doit être chassé de l'État, à « moins que l'État ne soit l'Église et que le prince ne soit « pontife. »

Or, qui ne voit que par cette double porte, Rousseau revient à l'arbitraire et à toutes les intolérances d’une religion d'État? Car qui distinguera entre les religions tolérantes et celles qui ne le sont pas? Les hommes politiques, qui seront au pouvoir, ne seront-ils pas irrésisüblement entraînés à ranger dans la dernière catégorie celles dont les doctrines leur déplaisent ou dont les partisans les ont combattus. N'est-ce pas la faute, pleine de conséquences funestes, qui fut commise par les chefs du parti radical de la Législative et de la Convention, dans leurs rapports avec le clergé catholique non assermenté? Négligeant les réserves faites par Rousseau dans ses « Lettres de la Montagne » ils ont adopté la théorie de la religion civile, telle qu'elle était exposée dans le « Contrat social » en l’appliquant rigoureusement aux dissidents et, sans s'en douter, ils ont renouvelé les actes d’intolérance et la persécution sanglante qu'ils avaient naguère, à bon droit, reprochés à l’ancien régime.

Voltaire a-t-il été plus conséquent que Jean-Jacques dans la défense du principe de la liberté de conscience? Nous n’ose-