Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

PENDANT LA RÉVOLUTION. 933

« Marquons d'avance une place aux traitrés, et que cette place soit l’échafaud. Je propose de décréter à l'instant même, que la nation française regarde comme infâmes, traitres à la patrie, coupables du crime de lèse-nation, tout agent du pouvoir exécutif, tout Français qui prendrait part, directement ou indirectement, soit à un congrès, dont l'objet sérait d'obtenir une modification à la Constitution, soit à une médiation entre la nation et les rebelles, soit enfin à une composition avec les princes possessionnés en Alsace! »

L'Assemblée couvre ces paroles d’applaudissements frénétiques, toutes les mains se lèvent, on n’entend qu'un cri unanime de : « Nous le jurôns, nous le jurons ! La Constitution ou lamort! » Le décret est porté au Roi, qui le sanctionne immédiatement.

Cependant, si en apparence la conduite du Roi visà-vis des émigrés paraissait correcte, aux yeux de bien des gens elle n'était pas exempte de suspicions.

On se demandait, non sans anxiété, s'il agissait

1. Cette question des princes allemands possessionnés en Alsace restait toujours en suspens, sans qu’il fût possible de trouver une solution. Sous l’ancien Régime, un seigneur pouvait à la fois posséder dans les deux territoires, être à la fois membre de l'Empire et vassal du roi de France, posséder des deux côtés ses domaines au titre féodal et y exercer les droits féodaux. L'Assemblée nationale, par ses décrets de 89, enleva aux princes allemands leurs possessions en Alsace et ‘elle leur offril une indemnité. Mais ils la refusèrent énergiquement, car leur acceptation eût entrainé la négation de leurs droits féodaux aussi bien en Allemagne qu'en France. :

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