Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

PENDANT LA RÉVOLUTION. 255 dégainé le glaive de la responsabilité et le tient suspendu sur la tête de Delessart.

« La séance du 10 sera à jamais mémorable, tant par l'exemple qu'elle présentera à la postérité que par la hauteur où se sont élevés nos représentants. Les attentats des ministres, surtout de celui des affaires étrangères, étaient à leur comble ; ils en imposaient à la nation, ils avaient l'air de se jouer d'elle et mürissaient paisiblement la contre-révolution. M. Brissot a exposé en quatorze chefs d'accusation les griefs contre le ministre des affaires étrangères. Son discours a été couvert d’applaudissements. L'Assemblée avait cependant besoin d’être remuée plus vivement.

« Vergniaud a volé à la tribune : après s'être élevé à la hauteur de la délibération par un exorde calme et plein de grandeur, il s’est livré à toute l'indignation dont il était animé, il a tonné de la manière la plus terrible, et dans une prosopopée sublime, qui égale tout ce que nous offre l'antiquité en ce genre, dans une prosopopée digne des plus beaux moments de Mirabeau et atterrante pour le coupable, il s'est écrié : « Non, Messieurs, ce n’est plus moi qui vous parle, « c’est une voix gémissante qui s'élève de l'atroce « glacière d'Avignon; l'entendez-vous, Messieurs, cette « voix qui vous crie : « Je ne serais pas là si l'infâme « Delessart n'eût pas retardé par la plus criminelle « indolence et dans les intentions les plus perverses « l'envoi du décret de réunion du Comtat à la France. »