Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

262 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT

enfin, c'est une très grande cruauté envers les citoyens d'un État, que la pitié envers les méchants, et c’est aussi un attentat contre la liberté que l'indulgence pour les traitres et les conspirateurs qui s’efforcent de la renverser. Voilà les vérités que les citoyens devraient faire entendre à l’Assemblée nationale. Ils devraient lui rappeler que l'impunité est la mère de tous les crimes, que c'est toujours par trop de faiblesse que l'on perd les États.

« Je pense qu'il est autant dans la nécessité que dans la justice d'épouvanter par un exemple terrible les conspirateurs à venir et les traîtres dont nous sommes entourés. Nous ne devons point nous borner à les mulcter de peines pécuniaires, il faut d'abord forcer les puissances germaniques à nous livrer les chefs de la révolte, il faut ensuite exiler le reste des coupables du sein d’une patrie qu'ils ont trop longtemps et trop impunément outragée; il faut enfin, s'ils osent y rentrer, faire tomber leurs têtes sur l'échafaud. Tel est mon sentiment. »

Son père lui répond :

« Bordeaux, 27 mars 1792.

« Ton opinion sur lés émigrés est sans doute fondée sur les principes de la justice. Des traîtres, des scélérats qui n'ont fui que dans l'espoir de rentrer le poignard et la flamme à la main, méritent incontestablement toutes les peines des lois. Cependant la force