Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

210 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT

courrier arrivé au département au son du tambour. Tous les cœurs sont embrasés, chacun veut contribuer à la défense de sa patrie, les uns portent l'or et l'argent qu'ils avaient pu conserver, les autres recommandent leurs enfants et volent à la frontière, Jamais peuple n'a montré un pareil dévouement, jamais journée n'a été, à Bordeaux, plus belle. La Société des amis de la Constitution à aussi prouvé que son patriotisme n'était seulement pas dans de belles paroles, car dans moins de deux heures elle a trouvé dans son sein quarante-cinq mille livres, dont trente mille en espèces sonnantes. La foule était si grande au bureau, que l’on fut obligé de prendre une délibération pour que chacun, restant à sa place, fût inscrit à son tour. Cela n’empêcha pas que, de tous les coins de la salle et des tribunes, on assomma le président avec des louis et des écus.

« Point de doute que tous les tyrans ne se liguent pour nous ravir la liberté, mais ce qui doit nous rassurer, c'est qu'on n'a vu que bien rarement des peuples libres vaincus par des peuples esclaves. Je Le prédis hardiment : que toute l’Europe soit contre nous, si nos chefs ne nous trahissent pas, nous sortirons triomphants de cette odieuse guerre. »

Une grande fête populaire, rappelant par quelques côtés celle de la Fédération, vint faire diversion aux préoccupations qui agitaient les esprits et permettre aux patriotes de jeter un audacieux défi aux aristocrates.