Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

279 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT

ayant eu fort peu de succès, ils ont eu recours à leurs armes ordinaires : au mensonge, à la calomnie, aux sarcasmes ; ils n’ont rien omis, en un mot, pour jeter la dissension, les haines, les terreurs dans l'âme de tous les citoyens ; le département les a secondés à merveille dans leur atroce projet. (Je sens qu'il est bien malheureux pour ces tigres altérés de sang de ne point avoir un Bailly à la tête de la municipalité.) Tous les coins de rues ont été couverts des plus virulentes diatribes contre tout ce que nous avons de respectable et de cher, contre les Condorcet, les Brissot, les Pétion, les Robespierre, les Manuel, les Collot-d'Herbois, etc.

« Les pétitions les plus perfides, les placards les plus insidieux ont été offerts aux veux du peuple : rien n'a pu l'égarer, rien n'a pu l’abuser ; la vertu, l'innocence et la vérité ont prévalu dans son esprit. Tu ne pourras jamais te faire une juste idée de l'emportement insensé auquel se livre cette poignée de forcenés. Ils veulent se saisir de l'autel de la patrie et des avenues du Champ de la Fédération, ils veulent poignarder Pétion, Robespierre * et quelques autres ;

* « Celui-ci a déjà été menacé aux Champs-Élysées : il a répondu avec cette fermeté stoïque qui le caractérise : « J'attends sans épouvante les assassins de Guise et de Médicis, et l'instant où je verrai leurs poignards élevés sur ma tête, sera celui où je les dénoncerai avec plus de force que jamais à la justice populaire, puisque celle des lois n’est pas employée. » Il désignait sous ces noms si fameux l’infâme La Fayette et la Reine. »