Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

PENDANT LA RÉVOLUTION. 275

les généreux soldats de Châteauvieux doivent aussi tomber sous leurs coups. Ges ridicules menaces avaient été écoutées jusqu'à présent avec le sourire du mépris et de la pitié, mais à mesure que le moment approche, leur audace s'accroit de plus en plus, ils publient hautement que ce jour de joie sera changé en un jour de deuil et de troubles, et déjà le bruit se répand que le Roi est parti pour Saint-Cloud. J'aimerais mieux que ce fût pour Coblentz.

« Quoi qu'il en soit, la fête aura lieu. D'ailleurs le peuple sera là, et malheur aux téméraires qui oseront troubler ses plaisirs; c'est un lion qui dort et que je ne leur conseille pas d'éveiller. Adieu, nous partons pour la fête! »

En dépit des prédictions menaçantes de la contrerévolution, la cérémonie fut magnifique et aucun fàcheux incident ne vint la troubler. Une foule immense couvrait les boulevards, et de la barrière du Trône au Champ de Mars toutes les fenêtres étaient bondées de monde.

Le défilé du cortège fut interminable. En tête, et pour ouvrir la marche, s'avançaient les citoyens qui portaient les bannières. Puis venaient les tables de la loi, placées sur un brancard, que des hommes robustes soutenaient sur leurs épaules.

« Ensuite les portraits des grands hommes, ornés de couronnes civiques. Des pierres de la Bastille, sur lesquelles étaient gravées Liberté, Égalité, étaient por-