Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

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un acte de civisme, qui pourrait arrêter la décadence du théâtre dont on accusait le nouvel état de choses. Le jour de la première réprésentation de Larive, l'abbé se fit remplacer comme président de l’Assemblée pour pouvoir applaudir son protégé.

Edmond écrit à son père :

« Papa,

« J'ai vu avec un plaisir infini M. Larive dans une superbe tragédie de Racine : Andromaque. Quel homme! avec quelle ardeur et quelle énergie il rend les superbes morceaux dont cette tragédie est pleine! Il remplissait le rôle d'Oreste et Mlle Sainval celui d'Hermione. Celle-ci met aussi bien de l'expression dans sa déclamation. Qu'elle rendit bien ce morceau quand Pyrrhus vient lui faire l'aveu de sa passion pour Andromaque et qu'elle lui répond avec une ironie si bien marquée :

Seigneur, dans cet aveu dépouillé d'artifice, J'aime à voir que du moins vous vous rendez justice.

« Laisse-moi te donner un exemple du feu que mettait M. Larive; lorsque Hermione l’a abandonné, et que Pilade lui a dit qu'elle s'est tuée, il s'écrie, agité par les Furies :

Quels longs ruisseaux de sang coulent autour de moi!

de Spartacus et de beaucoup d’autres, qui tous lui ressemblaient. » (Souvenirs d'un sexagénaire.)