Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

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« En prononçant ces vers il trépignait des pieds comme pour s'écarter de ce sang dont il se croyait entouré. »

Un des plus ardents désirs de nos jeunes gens était d'assister à une séance de l’Assemblée nationale. Enfin leurs vœux sont comblés et ils peuvent pénétrer dans l'enceinte sacrée. Ils s'y rendent non sans émotion, bien convaincus qu'ils vont être saisis d’admiration et rapporter de cette visite des impressions profondes. Hélas! leurs illusions sont fortement déçues et Edmond l'avoue assez ingénument :

« Passons à l'Assemblée nationale. Bon Dieu! quelle idée on s'en fait en province! L'on croit qu'en la voyant, on doit être frappé de respect et de vénération, on se figure une assemblée auguste, tranquille, dont le seul aspect inspire et l’étonnement et l'admiration. Elle n'est rien moins que cela; figure-toi plutôt une troupe de personnes assises çà et là, car rarement ces messieurs y sont tous, agités de différentes passions, de diverses opinions, n'écoutant point l’orateur qui a obtenu la parole avec beaucoup de peine, et le laissant pérorer tout à son aise, se parlant entre eux avec beaucoup de feu, souvent ne s'entendant pas, étourdis par une grosse cloche que M. le Président a toujours en main pour faire cesser le bruit, qu'il semble se délecter à augmenter. Crois-tu que quelqu'un qui veut se faire écouter par une troupe si tumultueuse a besoin de bon organe! »