Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

PENDANT LA RÉVOLUTION. 51

des explications. Là il dicta son testament où il affirma mourir innocent, mais il eut soin de ne compromettre personne. Sa déclaration fut très longue et dura jusqu'à la nuit. Cependant la foule, qui depuis huit heures du matin attendait sa victime, s'indignait du retard. C'est que ce n’était pas un spectacle ordinaire! Pour la première fois on allait voir l'égalité dans les supplices, pour la première fois on allait voir un noble, un marquis, monter au fatal gibet comme un vil roturier! Lorsque enfin Favras parut, un cri de joie et de haine s'éleva de la multitude, mais à la lueur des torches qui illuminaient cette sinistre scène, tout le monde put voir le front calme et la contenance assurée du condamné. La populace montra une joie féroce : reproches, injures, railleries, rien ne fut épargné au malheureux. Le prêtre qui l’accompagnait s'évanouit. L'exécuteur pleurait. Fayras seul conserva jusqu'à la dernière minute une imperturbable sérénité.

Ce fut le premier et terrible spectacle populaire, auquel Edmond assista. Il en conserva une impression profonde et rendit justice au courage de la victime :

« Que M. de Favras fût innocent ou non, dit-il, il a montré une âme héroïque et le courage d’un Romain. Sa mémoire durera longtemps et sa fermeté servira d'exemple aux siècles à venir; dans l'histoire l'on parlera de la fin courageuse du marquis de Favras. comme l'on parle de celle du comte de Montmorency.

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