Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

58 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT

« La constance et la fermeté qu'il a apportées au supplice ont intéressé en sa faveur. La pitié a pris bientôt la place de la haine, et ce peuple qui ne respirait qu'après sa mort, eût voulu bientôt après pouvoir le rendre à la vie; on ne blâme pas ouvertement ses juges, mais on parle de son épouse, de lui-même avec intérêt, on le plaint. »

En même temps qu'il raconte la mort de Favras et qu'il cite l'exemple de la versatilité de la foule, Edmond nous montre les singuliers sentiments qui régnaient dans cette population, tourmentée déjà par ses instincts sanguinaires et poursuivie en même temps par des rêves humanitaires.

L'Assemblée nationale venait de déclarer que les fautes étant personnelles, les peines et la honte devaient l’être aussi. Le peuple s'empare de cette idée, et lorsque les frères Agasse sont pendus pour crimes de faux, sous prétexte de ne pas contrister une famille innocente, on leur fait de magnifiques obsèques et on

.leur décerne des honneurs qu'on aurait à peine accordés à de grands citoyens.

« Les deux frères Agasse, d’une famille très riche et très honnête, ont été pendus dernièrement. Ils avaient fait de fausses actions sur la caisse d'Escompte. Suivant le décret de l’Assemblée, le déshonneur n’a nullement rejailli sur la famille. Au contraire, leur oncle a été élevé au rang de colonel dans son district. Après l’exécution, les deux corps ont été transportés chez leur