Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)
40 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT
des deux jeunes gens. Ils ne cessent de le répéter : on jouit à Paris d’unetranquillité à nulle autre pareille; chacun vaque en toute sûreté, l’un à ses occupations, l'autre à ses plaisirs, un troisième à ses études; la vie sociale n’est nullement interrompue par les incidents tragiques et sanglants qui se reproduisent si fréquemment; après s'en être quelque peu ému au début, on a fini par n°y attacher aucune importance; après tout, c'est la justice du peuple, il faut la laisser passer, et quelques aristocrates de plus ou de moins à la lanterne, quelques assassinats et quelques pillages de plus ou de moins, ne parviennent pas à troubler l'inaltérable quiétude de la capitale. Et ce n'est pas là une exagération, c'est un fait indéniable dont on trouvera mille preuves au cours de ce récit.
La situation du roi devenait chaque jour plus délicate; des troubles fréquents agitaient le pays et l’on accusait le clergé, la noblesse, la cour, de les provoquer. Les premiers émigrés, le comte d'Artois à leur tête, ont quitté la France après le 14 juillet 1789, et se sont dirigés vers Turin; c’est là qu'ils ont établi le siège de leurs conspirations. C’est de là qu'ils dirigent leurs tentatives infructueuses pour soulever les provinces du Midi en y réveillant le fanatisme, c'est de là qu’ils cherchent à fomenter pour le mois de décembre 1790 une grande insurrection, dont le camp de Jalès, occupé par les gentilshommes opposants du Lyonnais, du Forez, du Vivarais et de l'Auvergne, doit