L'école de village pendant la Révolution

UN MAITRE D ÉCOLE PEINT PAR LUI-MÊME. 191 criant que cet usage est un grand abus; je l'avertis que MM. les curés ne se donneront pas la peine de suivre son système, et ils feront bien. Ils chercheroient iongtemps avant de trouver un adepte qui repondit à leurs soins, et l'ayant rencontré, le moindre risque pour eux serait de ne faire qu'un ingrat; car chez nous autres paysans, la reconnaissance n'est pas la vertu dominante; j'ajoute même, à notre honte, que la plupart n’en savent pas le nom.

Je prie ces deux messieurs de faire attention que ce n'est pas un meunier qui forme un maçon, que jamais un savetier n’apprit son métier sous un tisserand ; et qu'’ainsi le précepteur naturel d'un maitre d'école doit être un maître d'école. A quoi nous servirait une expérience de trente ans, si nous ne pouvions nous procurer des successeurs ? Bon Dieu! quelle démangeaison de déranger l’ordre des choses! Je cerüfie à qui il appartiendra que je n’eus jamais d'autre instituteur que le magister de mon village; et cependant, sans vanité, je puis faire apprendre aux enfants leurs prières et le catéchisme ; je sais enseigner, par principes, à lire et à écrire; je sais même les règles de l'orthographe et de la ponctuation; je possède la méthode du plain-chant, sans avoir une voix de Stentor ; je n'ai pas besoin du secours de Barême pour calculer; je défie qui que ce soit de se servir plus sûrement que moi du demi-cercle et de la boussole, du graphomètre et de la planchette, pour faire les observations des angles; de la chaîne et de l’odomètre, pour mesurer les distances; je suis favorisé avec le rapporteur et l'échelle de l’arpenteur; un directeur de sé-