L'Autriche et la Hongrie de demain les différentes nationalités d'après les langues parlées : avec de nombreux tableaux statistiqes et 6 cartes ethniqes

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On sait, enfin, que l’agitation pangermaniste, encouragée, soutenue par le Kaïser, a déclaré publiquement, il y a plus de vingt ans, qu'il fallait rattacher tout ce qu'on pourrait de l’Autriche-Hongrie à l’Empire allemand. Et la fameuse Union Pangermaniste (Alldeutscher Verband) sous la présidence du Dr Hasse, député de Leipzig au Reichstag, a publié, dans d'innombrables brochures répandues à foison, quels seraient les meilleurs procédés pour réaliser l’annexion du brillant second, dont on a fait le guillotiné par persuasion,

Je ne citerai que trois de ces invraisemblables brochures, à cause de la saveur toute particulière qui s’en dégage.

1° Une brochure, intitulée : Le Démembrement de l'Autriche et sa reconstitution (1) (1899), partait de ce principe que l’Autriche entière — sauf le Trentin, la Bukovine et la Galicie — étant nécessaire à l Allemagne, il était légitime de s’en emparer. Mais, comme ce territoire aurait l'inconvénient de contenir 8 ou 9 millions de Slaves, il s’agissait de le morceler et de se le partager. La Prusse prenait la Silésie et la Moravie, la Saxe prenait la Bohème proprement dite, enfin la Bavière s’annexaït la région de l’Inn, Salzbourg, le Vorarlberg et le Tirol. Quant à l’Autriche, on voulait bien lui laisser la haute et la basse Autriche, la Styrie, la Carinthie et la Carniole, soit environ 5 millions d’habitants. J'ajoute que le littoral (Küstenland) avec la partie sud de la Dalmatie (Raguse, les bouches du Cattaro, Trieste et Pola), constitueraient, comme l’AIsace-Lorraine, un pays d’'Empire administré par un gouverneur militaire allemand. Ce territoire servirait de base à la puissance de l'Allemagne dans PAdriatique et dans la Méditerranée.

Voilà comment l’Allemagne avait annoncé à l'Autriche, dès 1899, par des brochures encouragées par le Kaiser, à quelle sauce elle se proposait de la manger. On n’est pas plus gracieux avec ses amis!

2° Une brochure, antérieure, parue en 1895 sous le titre : La Grande Allemagne et l’Europe Centrale en 1950 (2), expliquait très clairement que deux groupes territoriaux seraient constitués en Europe Gentrale. L’un politique, ou Confédération germanique, comprendrait l’Empire allemand actuel, le Luxembourg, la Hollande, la Belgique, la Suisse Allemande et l’Autriche-Hongrie. L’autre serait un immense Zollverein. Outre la Confédération germanique, il embrasserait les principautés baltiques, le royaume de Pologne, le pays ruthène, la Roumanie et la Serbie agrandie (Voir p. 42 de la brochure), soit 150 millions de consommateurs. La conclusion de l’auteur mérite d’être citée; la voici dans son impudeur inconsciente : Sans doute des Allemands ne peupleront pas seuls le nouvel Empire allemand ainsi constitué. Mais « seuls ils gouverneront, seuls 1ls exerceront les droits politiques, serviront dans la marine et dans l’armée, seuls ils pourront acquérir la terre. Les Allemands auront alors — comme au Moyen Age — le sentiment d’être un peuple de Maîtres. Toutefois, ils condescendront à ce que les travaux inférieurs soient exécutés par

(1) Oesterreichs Zusammenbruch und Wiederaufbau. München, 1899.

(2) Gross-Deutschland und Müttel-Europa um das Jahr 1950. Berlin, 1895. Avec une carte qu’on trouvera reproduite dans le livre de M. CHéraname auquel j’emprunte ces renseignements : L'Europe et la question d’ Autriche au seuil du vingtième siècle. Paris, chez PlonNourrit, 1901.