L'Autriche et la Hongrie de demain les différentes nationalités d'après les langues parlées : avec de nombreux tableaux statistiqes et 6 cartes ethniqes

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les étrangers soumis à leur domination ». (Ceux qui seraient tentés de croire qu’il est impossible qu’on puisse avoir écrit des choses semblables peuvent se reporter à la p. 48 de la brochure.) |

On voit que, lorsque nous croyons adresser une injure aux Allemands en disant qu'ils veulent faire reculer l’Europe jusqu’au Moyen Age, nous nous trompons absolument, puisque c’est l’idéal auquel ils aspirent ! | 30 I faut citer, enfin, le livre de Richard TANNENBERG, publié, en 1911, sous le titre : La Grande Allemagne; lŒuvre du XX® siècle. I] résume les nouvelles conceptions délirantes du Pangermanisme triomphant. Comme Pyrrhus, il rêve de posséder le monde entier : d'Agadir à Bagdad et au Golfe Persique; de Riga à Anvers, Calais et la Somme; de Hambourg à Venise et Trieste; de Vienne à Salonique, etc. -

Si on réfléchit que toute cette littérature est l’œuvre d’une puissante Association basée sur le rapprochement de deux classes sociales, hostiles au début, et dont les intérêts semblaient divergents : celle de l'aristocratie terrienne et celle de l’oligarchie commerciale et industrielle; que, malgré toutes les concessions faites aux agrariens, cette Association, due à l’initiative privée, est parvenue à constituer la caste dominante non seulement en Allemagne mais encore en Autriche-Hongrie.

Si on considère que cette caste menée par les puissances d’argent a su, en fin de compte, par son activité et son audace, imposer sa manière de voir et imprimer la direction, de son choix, à la politique impériale en flattant la folie des grandeurs mondiales de Guillaume et de son peuple.

Si on songe que l’Autriche-Hongrie est. entrée. dans cette combinaison, avec un bandeau sur les yeux, sans réfléchir qu’elle pourrait en faire tous les frais, si le plan allemand n’obtenaït pas la victoire. Si l’on songe à tout cela, alors on peut sans scrupule envisager le démembrement rationnel, équitable et scientifique d’une puissance basée sur le vol à main armée en vue de profits commerciaux. L’industrie de la guerre dans laquelle les empires du centre ont été élevés est sur le point de faire faillite. Tous les préparatifs avaient été soigneusement copiés dans les archives criminelles des DeuxMondes. La justice immanente a déchiré, comme de simples chiffons de papier, les plans si laborieusement élaborés depuis un siècle, au moins. Ce n’est pas la première fois que les impondérables détruisent les combinaisons qui paraissaient les mieux établies. Ce n’est pas à nous qu’il appartient de nous en plaindre.

Frédéric II disait, avec son cynisme habituel : « Je commence par prendre; je trouveraï, ensuite, des pédants pour démontrer mon bon droit. » En pronongant ces paroles infâmes, le célèbre roi de Prusse montrait qu’il connaissait la mentalité de son peuple et de sa race.

Mais ce n’est pas dans de telles conditions que travaillent les savants français. J’ai, pour ma part, la prétention et l’orgueil de répéter avec Montaigne : _Ce que j’ai écrit est une œuvre de bonne foi.

NANCY-PARIS, IMPRIMERIE BERGER-LEVRAULT — SEPTEMBRE 1915