L'Autriche et la Hongrie de demain les différentes nationalités d'après les langues parlées : avec de nombreux tableaux statistiqes et 6 cartes ethniqes
=
« N’est-ce pas un des pères de la République, n'est-ce pas Thiers qui, proclamant déjà cette thèse, ajoutait justement que, dans la société des nations, les petits États représentent des voix toujours acquises au Droit, parce qu’elles sont toujours attentives à la faiblesse? :
« Aussi, toute nation qui veut vivre et rester elle-même, sait désormais où abriter sa confiance et que si, d’un côté, c’est la force qui fait le Droit, de l’autre, c’est le Droit et l’union dans le Droit qui font la force. » .
M. Carton de Wiart a eu raison de dire que les neutres et les petites nations peuvent avoir confiance dans la politique de notre pays. La France, qui a fait la Grèce indépendante, qui a préparé l’unité roumaine, qui a versé son sang pour la liberté de la Belgique, en 1832, qui a inscrit sur ses drapeaux les noms glorieux de Magenta et de Solférino, n’a pas voulu assister en spectateur passif à l’étranglement des Tehèques, des Serbes et de tous les peuples placés sous le joug de l’Autriche-Hongrie. Elle fera tout pour les libérer. Ce que la France, l'Angleterre et la Russie alliées ont fait en 1827, elles sont absolument décidées à le faire en 1915. Elles se sont alliées de nouveau pour émanciper toutes les nations opprimées par les peuples de proie qu’elles combattent et qu’elles combattront jusqu’au bout.
« Il faut que l'humanité se développe dans l’union des races diverses (1), dans l'épanouissement des aspirations nationales; il faut qu’il ne subsiste plus aucun peuple opprimé, aucune violence. » Cette union des races dans l’épanouissement des aspirations nationales, cette communauté des sentiments et des idées qui font la Patrie, quel lien à la fois plus subtile et plus solide que la langue parlée est capable de l’assurer? C’est ce fil conducteur que j'ai suivi, pas à pas, sans l’abandonner jamais, sans me laisser distraire par d’autres considérations quelque intéressantes qu’elles fussent. Il a été, pour mot, le guide qui ne trahit pas. Il m'a servi à m’orienter dans ce labyrinthe ethnique, dans cette mêlée de peuples vingt fois confondus par des invasions multiples, vingt fois réunis par des victoires chèrement payées et dont la chaine a été brisée vingt fois par des défaites où tout était perdu fors l'honneur et l’espoir de se ressouder et de voir luire, enfin, le jour de la liberté définitivement reconquise.
« Qu’on n’en doute pas une minute, la défense de l’idiome ethnique est une tâche aussi patriotique que celle de la libération du territoire où dorment nos pères et qu’arrose encore le sang fumant de nos enfants. Le même drapeau les symbolise. Le verbe d’une race consacre les droits acquis de cette race à sa part de terre au soleil. Le lexique d’un peuple, c’est son palladium (2). »
Il est bien certain que la guerre actuelle aura pour résultat le remaniement définitif de la carte de toute l’Europe. Les vainqueurs s’appliqueront loyalement à résoudre toutes les questions si angoissantes des nationalités que la diplomatie n’osa jamais aborder franchement, dans la crainte de compromettre un équilibre que l’on savait mal assuré.
Et si la suprême habileté consistait, jadis, dans l’ajournement systématique des questions délicates, il n’en sera pas de même cette fois. La suprême habileté
(1) Discours de M. Paul Appel, président de l’Institut de France, dans l'émouvante séance publique annuelle du 26 octobre 191%.
(2) Émile Bercerar (Figaro, 21 avril 1915).