L'Autriche et la Hongrie de demain les différentes nationalités d'après les langues parlées : avec de nombreux tableaux statistiqes et 6 cartes ethniqes

Quand elles sont aisées et qu’elles prennent leurs vêtements des grands jours, les jeunes Slovaques atteignent à une véritable magnificence qui, par l’éclat et l'originalité de leur costume, constitue une fête pour les yeux.

Il y a aussi dans l’âme du peuple une source inépuisable de poésie et de musique qu’on retrouve dans les chansons populaires.

La Slovaquie est encore mal connue parce qu’elle est peu visitée; J’ai done été heureux de trouver dans un volume très impartial, très étudié, dû à la plume de M. René Gonnard 1), des renseignements recueillis sur place et vécus qui seront certainement lus avec plaisir par nos lecteurs :

« Les Slovaques passent pour très pauvres et le sont en effet. Ils le sont pour des causes naturelles, habitant, pour une grande part, une-région de montagnes. Ils le sont peut-être aussi pour d’autres raisons ethnologiques et historiques. Ils fournissent un fort contingent à l’émigration transocéanique, et envoient des travailleurs indi_ gents effectuer Les gros et pénibles travaux agricoles dans les autres parties de la Hon_ grie et dans certaines provinces de l’Autriche, en Moravie notamment, où l’on ren. contre à l’automne de nombreuses escouades de Slovaques hongrois occupés à arracher les betteraves. Cependant, l’aspect des villages n’est pas misérable, au moins dans certaines parties de la Slovaquie. A certains égards, il est peut-être plus pittoresque que celui des villages magyars dans leur saine, propre, mais un peu monotone régularité. J’ai visité en détail quelques villages des environs de Kassa, et arrivant des régions du Centre, j'ai été frappé tout de suite du caractère plus fantaisiste, moins uniforme, de la décoration des demeures. Ici, ce ne sont plus seulement les clairs badigeons blancs ou jaunes recouvrant les murs et soulignés seulement parfois d’une bande bleue au ras du sol : les maisons sont peintes de couleurs plus variées, et les fenêtres sont encadrées de rinceaux éclatants; des dessins en couleurs sont même parfois appliqués sur toute la muraille, toujours gais, parfois assez agréables à contempler. Dans un premier village, je pénètre chez le cordonnier : son intérieur soutient aisément la comparaison avec celui d’un artisan semblable vivant dans un de nos villages d’une région analogue — le Bugey, par exemple, ou le Jura. — Trois pièces, peintes en blanc et vert, chacune avec le grand poêle maçonné peint blanc et vert aussi, et agencé en fourneau dans la pièce centrale qui est la cuisine. Nous retrouvons tous les meubles usuels, lits, armoire, divan, sièges, la plupart en bois peint et orné de figures coloriées; je remarque un joli coffre vert. Les murs sont garnis de faïences aux teintes vives, d'images pieuses où les dorures abondent, sertissant les rouges et les bleus crus; des petits oiseaux artificiels sont suspendus au plafond par des fils. Tout est propre, bien tenu. Pas d’odeur, ni de cuisine, ni d’étable, ni de corroirie. Je visite ensuite l’habitation d’un cultivateur : même apparence, avec un peu moins de bien-être. Les pièces sont assez vastes, peintes en blanc et vert, fort propres. Les maisons que je visite dans un second village me laissent également en général une bonne impression. La propreté est toujours très grande et l’aisance s’affirme par la possession de meubles assez nombreux et en bon état, souvent sculptés avec goût. On me dit, il est vrai, qu’il n’en est pas de même dans la partie plus montagneuse de la Slovaquie. Cependant, au nord et nord-ouest de Kassa, en remontant la vallée de la Hernad, on rencontre quantités de villages montagnards, bâtis souvent en bois, en tout ou en partie, dont les maisons présentent un peu l’aspect de nos chalets savoyards, aspect peu aisé sans doute, mais point misérable. À l’entour errent de nombreux troupeaux de porcs à l’air demi-sauvage, gris ou noirs. Les petits propriétaires sont nombreux, le sol assez morcelé et les industries domestiques variées; les habitants sont vêtus généralement de bure blanche nommée Aalina, que les femmes fabriquent. Beaucoup d’entre elles aussi tissent des toiles solides ornées de dessins

(1) La Hongrie au vingtième siècle. Paris, chez A. Colin, 1908, p. 215 et passim.