L'Autriche et la Hongrie de demain les différentes nationalités d'après les langues parlées : avec de nombreux tableaux statistiqes et 6 cartes ethniqes

rouges et noirs, originaux et parfois charmants (1). D’autres accomplissent des travaux plus fins de broderie, de passementerie et de dentelles dont j’ai vu souvent de ravissants spécimens et dont le touriste peut, sans parcourir comme je l’ai fait les villages slovaques, se faire une idée en visitant simplement à Poszony (Presshourg) les bureaux de la Société d’Encouragement pour travaux manuels de paysannes de la Haute-Hongrie.

En somme, et comme il faut s’y attendre, étant donnée la richesse du sol, les petits propriétaires slovaques sont sans doute en général moins aisés que leurs congénères magyars; mais parmi eux on en compte beaucoup dont la condition semble être satisfaisante. Ce qui est misérable en Slovaquie, c’est la portion de la population rurale qui n’a plus de part à la terre ou qui, par suite de la multiplication des enfants, voit les domaines s’émietter en parcelles infimes. A celle-ci, l’émigration devient la dernière ressource. À quel point la Slovaquie est une terre d’émigration, je l’ai ressenti en la parcourant le long de la chaîne des Carpathes, de Kassa à Poszony. Partout dans les gares on rencontre des bandes de paysans, hommes et femmes, chargés de leur petit avoir, qu’enferment de vieilles malles et des linges noués, attendant par groupes, sous la direction de l’agent d’émigration israélite, le départ du train qui doit les emmener vers Fiume ou vers Hambourg. C’est par quarante ou cinquante qu’on les compte, et cela à chaque station, les enfants portés sur le dos par les mères. J’ai remarqué des bandes entières composées de femmes: ce sont les épouses dont les maris ont été à la saison précédente reconnaître le terrain et qui sont appelées maintenant par eux. Tout ce monde part pour l’Amérique; quelques-uns, très peu, pour le Canada ou l’Argentine, presque tous pour les États-Unis.»

On voit que les Slovaques sont très intéressants à tous égards et tout porte à croire que lorsqu'ils seront unis aux autres Tchèques, ils formeront un tout doué d’une grande vitalité, présage d’un bel avenir économique.

VII. — ITALIEN

(LE TIROL ITALIEN ET LA FRONTIÈRE FRIOULANE)

Les chiffres généraux du dénombrement de la population montrent que, dans la province autrichienne connue sous le nom de Tirol, l’allemand est parlé par 57,31 % de la population globale et l'italien par 42,09 % seulement. Mais il ne faut pas s’en ténir à ces chiffres généraux, il convient de voir de quoi ils se composent. Or, le Tirol doit être partagé en deux régions bien distinctes, tant au point de vue géographique qu’au point de vue ethnique et linguistique. La chaine des Alpes Rhétiques les sépare, de l’ouest à l’est, depuis le col de Cierfs jusqu’au pic des Trois-Seigneurs. Sur le versant septentrional des Alpes Rhétiques, c’est le Tirol allemand, arrosé dans toute sa longueur par l’Inn, il appartient par conséquent au bassin du Danube; la population est absolument de langue allemande. Sur le versant méridional des Alpes Rhétiques, c’est le Tirol italien, arrosé, dans toutes ses parties, par l’Adige et ses affluents. Malgré d'importants îlots allemands, la population est en grande majorité italienne .

J’examinerai successivement ces deux régions.

(1) Rien de plus beau, de plus riche, en effet, comme dessin et comme hardiesse de couleurs, comme noblesse de ton et comme délicatesse de goût que les magnifiques broderies et entelles qu’il m’a été donné d'admirer au Musée ethnographique de Prague. A. C.