L'Autriche et la Hongrie de demain les différentes nationalités d'après les langues parlées : avec de nombreux tableaux statistiqes et 6 cartes ethniqes

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« Tant que l’Autriche (1) occupa les provinces italiennes de Lombardie et de Vénétie et eut, ainsi, besoin de fonctionnaires d’origine et de culture italiennes pour les gouverner, les Italiens de Dalmatie furent flattés et choyés. Les autorités étaient toujours pour eux; l'éducation était placée sous leur contrôle et l’on tenait compte de leurs intérêts économiques. Mais, après la perte de la Lombardie en 1859 et de la Vénétie en 1866, on n’eut plus besoin d'autant de fonctionnaires italiens, et du même coup l’élément italien devint moins utile. Les autorités autrichiennes découvrirent immédiatement que les Italiens de Dalmatie formaient une proportion insignifiante (un peu plus de 3%) au milieu d’une masse écrasante de population slave. On décida donc d’opposer ceux-ci à celle-là et l’âpre lutte entre les Slaves et les Italiens commença, le Gouvernement soutenant et encourageant les Slaves et en même temps faisant tout ce qu’il pouvait pour fomenter la discorde entre eux et les Italiens. Malheureusement, les Italiens ne virent, que quand il fut trop tard, où tendait la politique du Gouvernement. Si les Italiens qui, à l’origine, possédaient le monopole de la culture, avaient aidé le développement slave au lieu de s’y opposer, ils auraient pu devenir les chefs naturels d’une province bilingue, et, en s’unissant aux Slaves, contraindre le Gouvernement autrichien à faire quelque chose pour l’ensemble de la Dalmatie. Au lieu de cela, ils aimèrent mieux faire le jeu du Gouvernement et furent, peu à peu, chassés de leur position de faveur. L’une après l’autre, les communes tombèrent entre les mains des Slaves, tant et si bien qu’à la fin, il ne resta plus que Zara, la capitale, sous le contrôle italien.

« Dans l’amertume de leur cœur, les Italiens regardèrent avidement au delà de l’Adriatique et implorèrent l’appui moral de l'Italie, donnant ainsi aux autorités autrichiennes le droit de les dénoncer comme mauvais patriotes et de prendre des mesures contre le danger de l’irrédentisme. Enfin, un sens de la réalité semble poindre dans les esprits des Italiens de Dalmatie les plus perspicaces. Quelques-uns voient maintenant que leur seul espoir réside dans une entente avec les Slaves, dont c’est l’intérêt de s’unir aux Italiens et de s’opposer avec eux aux efforts actuels du Gouvernement pour germaniser la province adriatique autrichienne. |

« Le cas de Trieste offre un autre exemple de la nécessité d’une coopération entre les Slaves et les Italiens. »

Quoi qu’il en soit, de trop nombreux publicistes italiens, dans une ardeur patriotique déréglée, se laissent aller, à l’heure actuelle, à réclamer une expansion italienne qui paraît quelque peu exagérée. Elle ne tend à rien moins, en effet, qu’à ressusciter, en la développant, la domination vénitienne sur nos trois vieux continents méditerranéens. Leurs vues se portent bien au delà de l’Adriatique, jusqu’au fond de la Méditerranée, vers cette côte d'Asie Mineure qui fait face aux îles du Dodécanèse où, depuis la guerre de Libye, flotte le drapeau italien.

Les hommes d’État italiens, heureusement, sont trop avisés pour se laisser prendre aux illusions extrêmement dangereuses et extrêmement trompeuses de ceux qui réclament tout l'héritage de Venise pour les successeurs de la République de Saint-Marc. Sous prétexte que, ou quinzième siècle, Ladislav,

(1) H. W. Sreep, La Monarchie des Habsbourg. 1914, p. 200 et suivantes.