La patrie Serbe
DAV PATRIE SERBE + 229
ges. Elles arrivaient de très loin, les-pauvres voitures coupés, landaux, ayant enfermé dans la mollesse de leur capitonnage la grâce des jolies femmes, objets d'art de la race Serbe. Ellesfraternisaient dans la même infortune les voitures légères et lourdes ; autos luxueuses, chariots, chars frustes dessinés à la mode de Mérovée. Les dernières inventions et les reliques de l'ancien temps stationnaient auprès du ravin. On les inondait de pétrole, d'essence, on les lançaït au précipice et des torches jetées surleliquide répanduallumaient desincendies. La neige rosissait. Le ravin devenait une crevasse flamboyante. Une haleine torride montait des entrailles terrestres. Sans cesse les véhicules accouraient, magnétisés, pour bondir dans le gouffre aux gloires de bûcher funéraire. Au milieu du soir commençant, les hommes s'agitaient ainsi que des démons éclairés par cet étrange tourbillon de lumière dansante et rouge.
Les chevaux, enfrôlant ce brasier profond, soufflaient, faisaient des écarts, se cabraient ; ils reculaient même quelquefois, s obstinant malcré les flatteries ou les coups. Plus dociles, les bœufs tournaient sous le joug crissant leurs têtes effarées. Des prisonniers tchèques, qui préféraient les atrocités de la retraite à la servitude sous des maitres abhorrés, s'approchaient de la chaleur.
L'hécatombe dura pendant des heures. Les flammes léchaient l'ombre de la nuit et la dévoraient. Plus tard, la buée bleutée d’une matinée terne fut encore embru_ mée par les colonnes de fumée échappées de la gorge. Il ne resta de tant de richesses gaspillées que d'infofmes débris et des cendres d'où émergeaient, comme des bras de squelettes, quelques morceaux de fer tordu.
Mais sila destruction du matériel civil fuf émotionnante, combien plus poignante celle du matériel militaire. [’armée ne put pourtant pas se résigner à aban-
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