La patrie Serbe
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exilés. La magique vision dura peu. D'imperceptibles vapeurs montèrent des vallées, des creux. Elles rampèrent sur les croupes jusqu à l’azur qui les aspirait. Semblables à des fées désireuses de se rendre à une fête, elles accouraient et sans cesse leur nombre ausmentait. Elles grandissaient, enlaçaïent les cimes qui les retenaient par leurs voiles et leurs longues traines.: De nouveau les sommets disparaissaient sous les molles étoites de rêve.
Devant l'imagination des malheureux on faisait miroiterl'image de Scutari, représentée comme un éden. La traversée du massif albanais était le purgatoire conduisant au paradis. Lorsque fut franchi le dernier col et que les alpinistes d'occasion eurent joui du spectacle admirable qu'offraient les vastes champs diamantés baignant dans une atmosphère de lumière, ils se crurent à la fin de leurs tribulations. Le rivage de l'Adriatique bientôt atteint n'aurait pour toute neige que celle des orangers; la brise parlumée, venue-du large, les frôlerait d'une caresse. Scutariabondamment fournie par les alliés, serait un magasin inépuisable de vêtements etde provisions. Pauvres Serbes ! La féconde imagination, la confiance, la facilité à accepter les 1llusions. qui sont des traits dominants de la charmante vation Yougoslave, donnait une nouvelle énergie aux fugitifs enthousiasmés, malgré leur lassitude, par la beauté du panorama.
Mais le sorb était vraiment trop injuste pour ces héros. La descente du col fut une glissade entrainant à l'abime les corps et les esprits. À chaque instant un homme ou un cheval tombait vers le gouffre. Le sentier ellacé sous la neige ne fut reconnaissable que grâce aux cadavres éparpillés. La pluie remplaça la neige ; la misère de l'humidité déprimante,la piqüre du froid. Les