La première Commune révolutionnaire de Paris et les Assemblées nationales

ET LES ASSEMBLÉES NATIONALES. 27

ou se prétendant tels, viennent faire à l’Assemblée des récits

détaillés qui prouvent, selon eux, la perfidie calculée des

Suisses, sinon des soldats, du moins de leurs officiers. « De cette perfidie, il faut qu'il soit fait justice ; il faut que le peuple,

indignement massacré, obtienne vengeance. »

Que les esprits populaires aient cru fermement à la trahison, il n’y a pas à s’en étonner, et même cela est certain; mais il est supposable que beaucoup de députés de la Législative, esprits plus cultivés, plus critiques, feignirent seulement de croire, afin de pouvoir prendre des mesures en conséquence.

Cette fiction de la conjuration du 10 août, qui est d’une fausseté reconnaissable à première vue, est adoptée en un moment ; on la trouve danstoutes les bouches ;-elle est alléguée dans les sections, à la Commune, aux Jacobins, dans les journaux, à l'Assemblée nationale. C’est une expansion qui rappelle la nouvelle de l’arrivée des brigands et la grand'peur courant par toute la France, en quelques jours, après la prise de la Bastille. Les historiens n’ont pas remarqué cette analogie. Comme la grand’peur, la conjuration du 10 août est un mémorable exemple de contagion morale, ou, si vous voulez, de moutonnerie humaine.

La situation, pour les représentants du peuple, était non seulement difficile, mais dangereuse. Impossible de raisonner ce peuple dans l'état naturel d'émotion où il était sitôt après la bataille, au moment où, dans toutes les sections, il faisait le compte de ses morts. Donc, il fallait le venger, ou bien on allait paraître insensible à ses sentiments les plus chers. Et alors qu’en résultait-il? Peut-être le meurtre d'une partie de l'Assemblée. Ceci n’avait rien d’improbable, à en juger par le langage que tout à l'heure on se permettra de faire entendre aux députés.

En conséquence, dans la séance du 11 août, à la Législative, Delacroix, l'ami de Danton, propose d'instituer une cour martiale pour juger les Suisses, officiers et soldats : une cour