La question du sel pendant la Révolution

— 107 —

l'opinion publique en leur faveur : les armateurs et les propriétaires de salins. Les premiers se plaignent du prix excessif du sel français, les seconds les accusent de fournir des chiffres faux. Les premiers déclarent que la pêche française est menacée s'ils ne peuvent importer du sel étranger, les seconds prévoient la ruine des salins de France si l’on accède à cette demande. Nous passons sur des arguments plus sentimentaux qu'économiques.

Ce fut à Lacaze fils, député de la Gironde, que la Convention confia le rapport sur l'importation du sel de pêche. Il s’en occupa fort consciencieusement le 14 décembre 1792!, mettant en évidence les principaux points des deux thèses et concluant ainsi :

« En attendant le moment où des barrières, des prohibitions n’enchaînent plus l’activité des citoyens, ne mettent plus de lignes de démarcation entre les peuples, et que l’industrie de l’homme puisse s'étendre sans gêne ni obstacle sur toute la surface de l'Europe, votre Comité de commerce vous propose le projet de décret suivant :

PROJET DE DÉCRET

La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité de commerce, décrète : 1° L’extradition de 6,000 tonneaux de sel étranger est permise provisoirement aux armateurs de Granville, SaintMalo, Legué, Binic et Pontrieux, pour l’usage de la morue sèche, aux îles de Terre-Neuve, Saint-Pierre-Miquelon, et pour la pêche de l’année 1793 seulement. 2° La susdite quantité de sel ne pourra être importée que par des navires et équipages français et entreposé que dans les ports et dans les proportions ci-après : 2500 tonneaux à Saint-Malo 2000 » à Grandville 1400 » à Legué 3° A leur arrivée dans lesdits ports, les navires seront jaugés pour connaître la quantité de sel qu'ils auront à bord, laquelle sera déposée dans des magasins à double

1 LACAZE Fics. Rapport et projel de décret présentés au nom du Comité de Commerce sur la pêche de la morue sèche. (Archives nationales, A D vi 572).