La question du sel pendant la Révolution

V

qu’il est bien et duement prouvé par procès-verbal du dit jour 15 mai — se disant autorisé, par le décret du 21 mars, à s'emparer de tous les sels existants dans l’intérieur des salins, tant dans les hangards que sur le gravier, sans nul égard pour le décret du 23 avril suivant, que le directeur leur a fait signifier par voie d’huissier, et ce sur le fondement qu’il n’était pas connu légalement.

M. Deforbin aurait dû être plus conséquent dans ses exceptions et ne pas exciper de la non-publication légale du décret du 23 avril qui lui a été signifié, revêtu de la sanction du Roi et de l’enregistrement au Parlement de Paris, dès qu’il a excipé en sa faveur et s’est autorisé du décret du 21 mars avant qu’il eut été sanctionné et sur la connaissance qu’il en eut eue par les papiers publics pour s’emparer des sels appartenant à la nation et les vendre à son bénéfice. Il y a une inconséquence, dictée par l'intérêt dans cette réponse, qui condamne les prétentions de ce propriétaire qui aurait dû, dans les circonstances se rendre aux oppositions formées par l’agent du pouvoir exécutif, avant de s'emparer de la propriété. Or, comme la loi est égale, M. Deforbin aurait dû se rendre justice en accédant aux oppositions des préposés à la conservation des sels appartenant à la nation ; il n'aurait pas dû, ainsi que ses agents l’ont fait, employer la force et la violence pour s'emparer des sels qu’il savait très bien ne lui point appartenir, et que la nation s’était réservé pour prévenir les accaparements et pour pourvoir aux approvisionnements des villes de l’intérieur de cette partie du royaume et éviter le monopole que les citoyens auraient pu éprouver de la part des accapareurs.

Ce propriétaire guidé par son seul intérêt particulier, s’est aveuglé sur les vues politiques de l’Assemblée nationale qui n’a eu d’autre but, en établissant une concurrence de commerce de cette denrée de première nécessité, que de procurer aux citoyens la facilité de s’approvisionner et de ne point courir le danger d’en manquer, ce qui serait infailliblement arrivé sans les vues sages de l'Assemblée nationale qui a prévenu cet abus du commerce. C’esl encore ce motif d'intérêt qui a fait donner une fausse interprétation des décrets de l’Assemblée à M. Deforbin, en prétendant que les dispositions de l’article 6 du 21 mars relatif à la vente en concurrence avec le commerce, concernaient les ci-devant provinces méridionales et lui rendaient la propriété des sels existant dans les salins et que la nation n’avait à sa disposition que ceux qui se trouvaientemplacés dans les greniers du Département. Avec un peu moins de préventions et plus de réflexions sur les lois qui ont déterminé que la totalité des récoltes des salins des provinces méridionales appartenait à l’Etat, sous l'administration du fermier des gabelles, il aurait reconnu que les dispositions de cet article ne pouvaient concerner que les provinces septentrionales du Royaume où les salins étant beaucoup plus étendus, plus abondants et dont les provinces jouissaient de la liberté du commerce du sel, les propriétaires de ces salins — après que la ferme générale avait formé ses approvisionnements avaient la liberté de le vendre soit à l’étranger, soit aux provinces non soumises à cette imposition et lesquels propriétaires, d’après le décret du 21 mars, ont eu la liberté de l'envoyer dans toutes les parties de l’Empire et de le vendre en concurrence avec celui dont la nation s’est réservé la propriété; mais l’Assemblée nationale n’a jamais entendu parler des sels des salins d’Hyères, Berre Badon, etc., qui en raison de leur peu de produit, relativement à la consommation de la partie méridionale du. Royaume, ont toujours appartenu à l'Etat,