La question du sel pendant la Révolution

VI

comme étant annuellement enlevés en totalité, ou à peu de chose près, ainsi qu'il a été décidé par les lettres patentes du 24 mars 1603, faisant bail des gabelles de Provence au sieur Jean Chevalier.

D’après toutes ces lois, d’après le décret du 21 mars et d’après les oppositions formées par le directeur des douanes nationales, au nom de l’adjudicataire des fermes, portant déclaration de rendre le propriétaire des salins d'Hyères et ses agents responsables de la valeur des sels au prix fixé par le ministre, M. Deforbin et ses agents n’ont pu, ni dû, enlever les sels que la nation s'était réservés, sans en avoir obtenu une décision qui l’y autorisât. C’est cependant ce qu’il a fait, nonobstant la signification légale qui lui a été donnée du décret du 23 avril, rendu en interprétation de celui du 21 mars précédent, et pour y parvenir il a employé la force, la violence et les voies de faits contre les préposés chargés par la nation de veiller à ses intérêts. Tous ces faits sont établis dans les procès-verbaux déposés dans les archives de la municipalité d’Hyères, après avoir été affirmés et contrôlés. Rien ne peut donc pallier la conduite, ni les torts de M. Deforbin et de ses agents, qui ont méconnu les lois et les principes pour satisfaire leur avidité, au détriment des intérêts de la nation et du trésor public, et ce sous un spécieux prétexte et une fausse interprétation qu’ils donnent aux décrets de l’Assemblée nationale pour s’attribuer une propriété qu'ils savent très bien ne pas exister. Ils cherchent en outre à étayer leur assertion d’une prétendue lettre écrite à un propriétaire de salins par un membre de l’Assemblée nationale en réponse à des demandes qui lui ont été adressées, qui n’ont point été présentées à l’Assemblée, ni au Comité des finances, et qui n’ont point été contredites, ni discutées. Cette lettre prétendue ne peut être admise, ni annoncer le vœu de l’Assemblée nationale, qui est contraire à l'exposé de M. Deforbin, à en juger par les ordres adressés au directeur de Toulon, d’après ceux du ministre.

Il est aisé de voir, d’après les explications dans lesquelles on vient d’entrer, que M. Deforbin et ses agents n'avaient aucun titre ni propriété à exercer sur les sels qui se sont trouvés formés aux salins d’Hyères, le 1° avril 1700, qu’ils n’ont eu que la libre disposition de ceux qui se sont formés dans la récolte suivante ; ils n’ont donc pu s'emparer, ni vendre aucun des sels qui existaient alors tant en gamelles que dans les hangards. C’est cependant ce qu’ils ont fait au mépris des lois et contre l'intérêt de la nation, en enlevant de force, et des mains de l’adjudicataire, les sels qui y étaient déposés depuis le mois d’octobre 1789 et qui faisaient une propriété nationale dont la valeur réelle doit rentrer dans le trésor public.

Si le propriétaire des salins et ses agents ont vendu, ainsi qu’il est démontré et bien prouvé — tant par les procès-verbaux qu’ils ont signés avec les officiers municipaux d’Hyères, que par les certificats qu’ils ont délivrés aux patrons de barques et voitures qui ont enlevés les sels — qu’il ne leur appartenait point, mais bien à la nation, ils doivent nécessairement en payer la valeur à l'Etat et rien ne peut les en exempter. L’adjudicataire

"7: des fermes à qui la garde et conservation de ces sels étaient confiée par les,

décrets de l’Assemblée nationale, et qui était chargé d’en faire la vente : comme d'en compter le montant au trésor public, n’a pu se dispenser de