La question du sel pendant la Révolution

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des impôts, et le Peuple est armé. C’est perpétuer le désordre que de ne pas diminuer le sel, c’est le perpétuer que de le porter à six sous dans les provinces de petite gabelle ou de franchise. »

On voit que, dans cette séance, il n’était encore question que de l’amélioration ou de l'abolition de la gabelle ; nul ne semble avoir parlé de son remplacement. D’autre part on prévoyait un traitement égal de tous les Français, sans tenir compte des privilèges de certaines régions du pays.

C’est probablement dans la seconde semaine de septembre que la province d'Anjou, voyant que la gabelle n’allait pas être abolie, offrait une prestation en argent pour s’en racheter. Necker, le 27 août, avait envisagé la fixation du prix du sel à six sous la livre; l'Anjou promit de payer cette somme proportionnellement à Sa consommation, à la seule condition d’en faire elle même la répartition.

C’est cette proposition que le comte de la Galissonnière ! porta à la tribune de la Chambre en sa séance du 16 septembre. Le discours qu’il prononça en cette occasion contient quelques passages extrêmement importants, surtout si l’on considère que l’orateur siégeait à la droite de l'assemblée, vota contre les plans financiers de Necker, contre la Déclaration des droits de l’homme, contre la vente des biens du clergé, contre l’adoption du drapeau tricolore, contre la constitution civile du clergé, qu’il émigra e commandait l’avant-garde de l’armée de Condé. Voici donc ce que dit ce «noir»?, en protestant contre le maintien de la Gabelle, même sous sa forme allégée *:

« Les peuples sont irrités. En effet, un impôt dont la perception est telle qu’elle occasionne la ruine annuelle de 4000 chefs de famille domiciliés, d'environ 3500 citoyens de tout sexe et de tout âge, qui périssent sur l’échafaud, aux galères, ou dans les prisons ; qui tient dans l’inaction ou dans le désordre, au préjudice de l'agriculture et de l’industrie, plus de 20,000 hommes soit par le faux saulnage, soit par les employés préposés pour arrêter la con-

! Augustin-Félix-Elisabeth Barrin, comte de la Galissonnière, maréchal] de camp, grand sénéchal d'épée héréditaire des cinq sénéchaussées d'Anjou et du Saumurois ; député de la Noblesse de la sénéchaussée d'Angers.

? On appelait alors du nom de noirs les défenseurs de l’ancien régime, que l’on a depuis appelés les blancs. Cf. Journal d'une bourgeoise pendant la Révolution. P. 1881, p. 181.

* Archives parlementaires, t. IX, p. 6.