La question du sel pendant la Révolution

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pourraient communément leur en faire la livraison, si cette denrée devenait la matière d’un commerce absolument libre. »

Tel n’est pas l'avis de M... Celui-ci prend ardemment la défense du décret du 23 septembre. Sa brochure, assez peu intéressante, contient cependant un passage bien curieux *:

« On objectera peut-être que le prix fixé à la vente du sel est encore trop cher. Mais faut-il donc oublier qu’il est diminué de plus de moitié pour beaucoup de provinces ? On ne peut nier (et c'est un fait dont je puis vous répondre) que cette diminution de prix, prononcée quatre mois plus tôt qu’elle ne l’a été, aurait excité une joie générale. »

Cette constatation est parfaitement juste; il n’y a que la conclusion que l’auteur en tire qui ne le soit guère. Certes, si Louis XVI, le 5 mai 1789, avait fait les concessions qu'il dût faire six semaines plus tard, elles auraient excité une joie générale; mais en juin elles étaient déjà la suite d’une victoire du Tiers, et celui-ci ne s’en contenta plus, aussi peu que le peuple parisien, après le 5 octobre ne pouvait s'arrêter en sa marche vers le 10 août et le 2 juin.

C’est là la logique propre à la politique et surtout à la politique des temps révolutionnaires : ce qui décide, c’est la plus grande force, latente ou ouverte, qu'un des partis en présence peut mettre en jeu. Mais pour cela, il faut qu’il en ait conscience. Une concession faite à temps, et d'une manière habile, peut lui cacher saforce,; une concession visiblement extorquée réveille, avec nécessité, sa confiance en lui-même et le poussera à de nouvelles et plus amples revendications, tant qu'une force nouvelle, etsupérieure, ne les arrête; or cette force ne se manitesta qu'après le 9 thermidor an Il.

Ainsi aussi les adversaires de la loi du 23 septembre, forts de la résistance du pays, et rendus confiants en leur puissance par le vote de l’Assemblée du 26 novembre 1789, allaient nécessairement d’abord à la destruction totale de la gabelle, puis à l’abolition des mesures par lesquelles on essayait de la remplacer.

1 Lettre de M... à M..., présentant quelques déveloprements intéressants sur la vente exclusive du sel. Paris, s. d. (Archives nationales, AD IX, 572). 220: Ci; Dre