La question du sel pendant la Révolution

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Cazalès, député de la Noblesse du pays de Rivière-Verdun, un des leaders de la droite de l’Assemblée. Son discours, charge à fond contre les tendances physiocratiques de la majorité en matière d'impôt, met trop clairement en évidence l'opposition du landed et du moneyed interest, pour que nous ne le donnions intégralement :

« Les difficultés naissent de ce que la question qui vous occupe a été présentée prématurément : cette opération devrait être la dernière que vous avez à faire pour l’établissement de l'impôt. Mais puisque l’Assemblée a ordonné de discuter sur le remplacement de la gabelle, je chercherai à jeter quelque jour sur la question, et à dissiper l'obscurité qu’occasionne cette marche irrégulière. Tous les impôts en général peuvent se ranger dans deux classes, les impôts directs et les impôts indirects. Les impôts indirects conviennent à un peuple libre ; les impôts directs ne conviennent qu’à un peuple esclave : ceux-ci sont une espèce de flétrissure attachée à la terre; leur perception ne peut se faire qu'avec violence ; leur répartition est nécessairement inégale, puisqu'elle pèse sur le pauvre comme sur le riche. L'imposition indirecte, au contraire, ne portant pas sur celui qui cultive, mais sur celui qui consomme, est proportionnée aux facultés, parce que celui qui possède plus consomme plus. Cette imposition se plie à l'inégalité des fortunes ; elle se perçoit d’une manière simple, facile, journalière, et sans qu’on soit obligé de recourir à ces contraintes toujours odieuses parce qu’elles sont exercées le plus souvent contre la pauvreté. Cette imposition préviendra l’extrême accroissement de la population des villes, et rendra aux campagnes les bras dont l’agriculture est privée, et sans lesquels nos plus précieuses richesses sont anéanties. Il ne faut pas rompre par le fait l'équilibre entre les impôts directs et les impôts indirects : cet équilibre serait rompu, puisque par le remplacement proposé vous convertiriez un impôt indirect en impôt sur les terres. Si vous adoptiez le projet du comité, votre décret deviendrait le premier article d’un plan dangereux, la première base d’un système accrédité parmi beaucoup de membres de cette Assemblée, d’un système qui, en dernière analyse, donne pour résultat que tout impôt, quel qu’il soit, est supporté par la terre. J'attaquerai ce système, j'en développerai les dangers, je dévoilerai les erreurs qu'ils présente ; mais aujourd’hui je me borne à demander que le comité des finances soit chargé de soumettre, dans huit jours, un projet de remplacement de la gabelle par un impôt indirect qui ne porte pas sur les consommations de