La Révolution française (1789-1815)
— 143 —
brer en 1894 la fête de l’immortelle défense de la France par ses hommes d'Etat et par ses militaires.
Il y a eu, Messieurs, deux méthodes bien différentes suivies dans les guerres de 1792 à 1815. Dans la première, de 1792 à 4800, l’activité militaire est dirigée par une politique habituellement supérieure ; nos armées, faisant toujours face à l'ennemi, l'ont repoussé loin de nos frontières et ont étendu celles-ci aux limites naturelles qu'indiquaient notre histoire et aussi les légitimes nécessités de notre défense ultérieure. Dans la seconde, au contraire, l’armée, employée au service d'une politique personnelle et de fantaisie, à été obligée de rétrograder, a perdu non seulement les limites de la République, mais même celles de Louis XIV. Le sol national a été flétri par l'invasion, et la Seine a vu les chevaux de l'ennemi boire dans ses eaux. Ces deux méthodes sont très différentes : je suis pour la première et je repousse la seconde. Non seulement les républicains, mais tous les bons Français quelconques appuieront, je l'espère, une telle manière de voir.
Mais une question préjudicielle se pose immédiatement. Nous pensons tous que le régime final de notre espèce consistera sans doute dans une activité pacifique, dirigée par la science, embrassant la planète entière et assurant à la fois le bien-être et l'amélioration intellectuelle et morale de l'Humanité. Dès lors, pourquoi célébrer les militaires etles généraux? Sont-ils donc autre chose qu'un mal nécessaire? Il y a là, Messieurs, une grave erreur, et il est indispensable de sortir enfin d'une sentimentalité vague qui abaisse et affaiblit, et de voir les réalités effectives des choses, pour les accepter virilement et les améliorer autant que possible, pour les intérêts même de la civilisation.
Auguste Comte (1) s’est demandé à quelles conditions devait satisfaire l'espèce animale à qui appartiendrait la prépondérance sur notre planète, Il a trouvé que parmi ces conditions la principale était qu'elle fût carnassière. L'animal prépondérant devait donc être un animal de combat. Mais si de nombreuses espèces de mammifères sont comme nous des animaux de combat, l'espèce humaine seule, grâce à son intelligence et à sa sociabilité, a pu organiser la guerre. Celle-
(4) Voir Système de Politique posilive, tome Ier, chap. HT.