La Révolution française (1789-1815)
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qui, sous la royauté expirante, avait, d'avril à août 1792, tenu une conduite incapable et presque ridicule, placée en des mains plus habiles et sous une inspiration plus haute, accomplit Valmy, d’un effet moral et politiquesi considérable ; mais il fallait quelque chose de plus : poser les bases d'une armée toute nouvelle, dans la qualité comme dans la quantité, en assimilant, bien entendu, par une sage politique, tous les éléments assimilables du régime ancien. C’est ce que Danton accomplit en faisant fonctionner la levée en masse, c'est-à-dire la participation de tous les Français valides à la défense de la patrie.
L'armée changea, en effet, radicalement en qualité. Le comte de Saint-Germain, ministre de la guerre de Louis XVI, disait que l'armée était la lie de la nation; ce que Montesquieu avant lui avait déjà proclamé. Par la levée en masse, c'était la nation elle-même qui s'armait dans ses éléments les plus jeunes et les plus énergiques. L'élément fondamental de l'armée changeait donc radicalement: et l'immense sentiment patriotique qui l’animait augmentait encore la valeur propre de ceux qui devinrent bientôt des soldats incomparables, par la combinaison de l'entraînement et d’une puissance inouïe de résistance dans les défaites. En ‘étendant à tous l’admissibilité aux grades, au milieu d'une guerre active, la République fit surgir toutes ses forces latentes de capacité militaire, que l'ancien régime ne soupçonnait même pas.
Mais si l’armée changea absolument en qualité, elle changea aussi profondément en quantité. La levée en masse mit toute la nation valide au service du gouvernement pour la défense de la patrie. Le prince Henri de Prusse, le frère du grand Frédéric, comprit toute la portée d'une telle mesure et prophétisa le triomphe final de la France: il essaya de détourner la Prusse d'une guerre qui devenait si dangereuse, après avoir été si impolitique.
Il fallait organiser ces masses si bien disposées pour en faire une armée. Sous l'inspiration de Danton, un gouvernement fut enfin constitué, celui du Comité de Salut public. Il opéra d'une manière véritablement incomparable. Carnot, le grand ministre, organisa ces masses en groupes, les encadra et les plaça sur l'échiquier militaire; Prieur de la Côte-d'Or les aima; Robert Lindet les nourrit, pendant que Cambon,