La représentation des aristocraties dans les chambres hautes en France : 1789-1815
LA NOBLESSE EN 1789 ol du tiers-état), la noblesse ne voit pas seulement diminuer la valeur absolue de ceux qu’elle retient encore, mais leur valeur relative, car le dogme de l'égalité naturelle triomphe, et elle est encore affaiblie par les progrès rivaux du tiers-état. Le tiers-état est une des portions naturelles de l'aristocratie, dit excellemment de Tocqueville (1), et plus loin : c’en est une portion révoltée contre l’autre : d'où cette aflirmation quelque peu paradoxale : « Si l’on avait examiné de près la constitution de la noblesse, on aurait découvert qu’elle formait, à vrai dire, un corps démocratique revêtu, vis-à-vis des autres classes, des droits d’une aristocratie ».
Au reste il n'avait jamais été ni dans les traditions ni dans le caractère de la noblesse française de prendre part au gouvernement. De Broc, qui l’affirme, eite à ce sujet le curieux témoignage de Montaigne : « La forme propre et seule essentielle de la noblesse en France, c’est la vacation militaire (2).» Comment se serait-elle, pour une circonstance déterminée, improvisée corps intermédiaire au secours tout ensemble du trône et des libertés publiques, quand précisément les forces qu’elle n'avait jamais consacrées à ces offices sont épuisées ?
La Révolution n’a plus à abolir une aristocratie déchue : elle la dépouille ; la brutalité seule du geste fait illusion sur le coup qu'il porte. Elle achève seulement
(1) Mélanges, p. 17 et suiv. (2) Essais, livre IT, ch. vin,