La Serbie

* fut contre l'occupation de la Bosnie-Herzé-

LA SERBIE

Un mémorandum de la Social-Démocratie serbe

Les délégués de la social-democratie serbe, qui sont venus de Serbie à Stockholm avec l’autorisation des gouvernements austro-allemands, ont déposé devant le comité hollando-scandinave le memorandum suivant qu’ils nous prient de vouloir bien publier dans « La Serbie ». Nous avons acquiescé à cette demande et nous publions ce memorandum uniquement à titre d’information. Nous ajoutons encore que les auteurs du memorandum ne représentent qu'une fraction du parti socialiste serbe et que le socialisme en Serbie, pays agricole par excellence, avec la petite propriété, n’a aucune influence, ni politique, ni sociale.

« La Social-Démocratie serbe demande la paix immédiate. C’est ce qu’'exigent les intérêts de l'humanité entière, comme ceux des prolétariats internationaux; c’est, avant tout, le besoin vital de la Révolution russe qui — représentant une acquisition incommensurable pour l’Internationale socialiste — devait tenir au cœur de tous ses membres. Voilà pourquoi nous acceptons la formule de la Révolution russe: Paix sans annexions et sans contributions sur la base du droit des peuples de disposer d'eux-mêmes.

« Toutefois, il faut ajouter immédiatement qu’une paix sur une telle base est fort loin de résoudre les questions des nationalités qui ont joué un certain rôle — quoique secondaire — dans la genèse de la guerre actuelle, ainsi que les questions engendrées

ar le conflit. Cela s'applique en particu-

ier, à côté de la question polonaise, à la question nationale serbe.

« L'union politique des parties séparées de la nation serbe qui, comptant plus de 10 millions d’âmes, est plus grande que la nation tchèque ou hongroise, serait un gain général pour la culture ; elle est, en outre, la première condition préalable de la prospérité du socialisme chez ce peuple si riche en traditions et en tendances démocratiques. L'union de la Bosnie-Herzégovine avec la Serbie est en particulier une demande si naturelle et si logique qu’elle rend toute discussion superflue. La Bosnie-Herzégovine est pour la Serbie, d’une plus grande signification que par exemple lAIsace-Lorraine pour la France. Le noyau ethnographique et cultural de la nation serbe se trouve entre la Morava et la Mer Adriatique. Le berceau de la plus belle et de la plus pure culture nationale serbe est sur les deux rives de la Drina, dans la Serbie proprement dite et la Bosnie-Herzégovine; c’est là aussi qu'est née, entre autres, la poésie populaire serbe dans laquelle un Gœthe même trouva une haute jouissance esthétique et c’est dans le dialecte de cette région qu'écrivait le fondateur de la littérature serbe moderne Vouk StéfanovitchKaradjitch. « Pour ces raisons, la prise de possession de la Bosnie-Herzégovine par lAutriche-Hongrie est un rapt brutal, impérialiste. Ce fut le résultat du traité secret russo-autrichien sur le partage des Balkans, traité auquel, en son temps, l'Angleterre donna son assentiment, exemple typique de la politique de diplomatie secrète traitant tous les pays comme une marchandise et les peuples comme du bétail, ce qu’elle fait aujourd’hui encore.

« L’Autriche-Hongrie ne pouvait faire valoir aucun droit pour légitimer la prise de possession de la Bosnie-Herzégovine comme celle, antérieure, de la Dalmatie; elle ne pouvait même pas s’en rapporter au droit de l'épée encore existant dans la société capitaliste, au fait de guerre accompli, au droit de l'injustice consommée: ce que Pon fit d’une grande partie du peuple serbe habitant la Bosnie-Herzégovine fut un troc pur, brutal, impérialiste qui ne se rencontre : pas fréquemment même dans l’histoire de

l’ancienne Europe impérialiste. Il serait fort intéressant de faire remarquer ici que même une grande partie du parlement hongrois

govine lorsqu'il s’agit de sanctionner ce rapt.

« Mais la social-démocratie serbe est profondément convaincue que la Révolution russe inaugurera — par sa victoire définitive, victoire qui peut être seulement remportée dans la paix et si la guerre se termine immédiatement — une époque nouvelle de démocratie dans toute l’Europe et même dans le monde entier, une époque où l’on respectera davantage qu’aujourd’hui les intérêts et les droits de tous les peuples. La Révolution russe devra contribuer beaucoup — par sa victoire — à la solution des questions de nationalités, non seulement en son propre pays, mais aussi dans les autres. Et ce qui constitue le point capital pour nous, c’est que la Révolution

russe triomphante donnera une impulsion puissante à toute l’Internationale prolétarienne et qu’ainsi elle hâtera le long et difficile processus historique de la Révolution sociale. À notre avis, elle entre, par cette guerre mondiale, dans une période décisive tout comme, il y a cent ans, la révolution bourgeoise d'Europe commença avec les guerres napoléoniennes. Cette révolution

prolétarienne seule, et non la guerre d’au- ! jourd’hui, capitaliste et impérialiste par ex- ;

cellence, amènera une solution complète et juste de toutes les questions de nationalités. « Toutefois, en attendant, la Serbie doit au moins avoir un minimum d'existence assuré. Nous entendons par là:

« La restauration complète de la Serhie ; l'union de la Serbie avec le Montenegro. Pas de restrictions politiques et économiques de la part de l’Autriche-Hongrie. Aide financière collective des grandes puissances pour la régénération des forces productives de la Serbie complètement anéanties pendant la guerre et durant l'occupation austro-bulgaro-hongroise. La Serbie doit avoir un accès à la mer. En ce qui concerne cette question vitale de la Serbie, notre opinion est la suivante: La route adriatique, si discutée, n’est qu’une combinaison diplomatique artificielle, sans base politique, économique et culturale réelle. La Serbie devrait, tout d’abord, devenir un Etat de l’Adriatique, c’est-à-dire s’unir à la Bosnie-Herzégovine et à la Dalmatie; c’est alors seulement que son artère de communications et d'économie pourrait être dirigée vers l’Adriatique. Par contre, aujourd’hui, toute la vie économique et culturale de la Serbie est concentrée dans la vallée de la Morava. Mais la continuation logique, géographique, économique et culturale de la vallée de la Morava est la vallée du Vardar. La Serbie ne peut pas exister telle qu’elle est constituée politiquement aujourd’hui sans la vallée du Vardar et sans sortie sur la Mer Egée par Salonique; elle doit donc avoir toute la vallée du Vardar à sa disposition. Et Salonique qui, par sa situation géographique et son importance pour les communications et l’économie, est le port principal des Balkans, doit devenir avec une partie de son hinterland, le port commun de la Serbie, de la Grèce et de la Bulgarie et la place où ces trois Etats se rencontrent.

« Mais ce ne serait qu’une solution provisoire de la question macédonienne. Cette question ne peut jamais être résolue d’un point de vue national. La Macédoine est un conglomérat de races et de nations dans lequel aucune d’elles ne possède la majorité. Sa confusion devient un chaos parce que, à la suite de diverses propagandes chauvines, beaucoup de «nationalités » artificielles ont été créées à un degré tel que presque chaque race macédonienne se divise en plusieurs « nationalités » et a des convictions nationales ‘différentes quoique les signes ethnographiques soient les mêmes. C’est une utopie nationaliste confinant au comique que de parler d’un pareil chaos macédonien, comme d’un pays bulgare, serbe ou. grec. Chaque parti socialiste dans les Balkans qui envisage la question macédonienne d’un point de vue exclusivement nationaliste et non d’un point de vue balkanique général, se trouve sous l'influence de l'idéologie surannée de ses milieux dirigeants et il confirme inconsciemment leur politique d’hégémonie dans

les Balkans le plus grand danger qui menace l'idée de la fédération balkanique.

« La Macédoine est le centre géographique, stratégique et économique de tous les Balkans. Voilà pourquoi toutes les races et nations de cette péninsule s’y sont rencontrées; voilà pourquoi chacune d’elle est liée par une partie de sa population, de ses traditions et de ses intérêts à cette belle et riche contrée. Et c’est justement parce que la Macédoine est le centre des Balkans qu’elle est le complément naturel de chacune de leurs parties. Le fleuve serbe de la Morava trouve sa continuation naturelle dans le fleuve macédonien du Vardar; les montagnes albanaises ne peuvent pas vivre sans les vallées et les marchés de la Macédoine occidentale; la Grèce incline, par un besoin naturel, vers Salonique et la Bulgarie qui a, sur son ancien territoire, un reste assez important de population hétérogène turque et grecque, cherche tout naturellement dans les éléments nationalement semblables de Macédoine un appui politique et cultural pour elle. C’est pourquoi il a été démontré au cours des derniers dix ans que toute solution soi-disant pratique

de la question macédonienne, c’est-à-dire le partage de la Macédoine sur telle ou telle base, fut toujours injuste pour les peuples des Balkans et, ce qui est surtout important pour l'Europe, nuisible à la paix. La Bulgarie de San-Stefano, projet du tsarisme russe et devant comprendre toute la Macédoine, a poussé la Serbie dans les bras de lAutriche-Hongrie et causé la guerre fratricide de 1885. La Serbie de Bucarest de 1913 qui, avec la Grèce, prit la part du lion en Macédoine, jeta définitivement la Bulgarie entre les mains de l’Autriche et de

: l'Allemagne et occasionna la guerre fratri-

cide de 1915.

« L’unique solution pratique et juste de la question macédonienne est la république fédérative démocratique des Balkans. La Macédoine en serait partie autonome et non plus l’objet de la concurrence et de la rivalité balkanique réciproque, mais un membre des Balkans unis et réconciliés qui sera soutenu de tous ses camarades balkaniques politiquement plus âgés, et plus expérimentés. Et, les conditions préliminaires d’une telle fédération balkanique existent aujourd'hui déjà, nonobstant les dissensions entre les divers Etats des Balkans, car il faut savoir que les hostilités entre ses peuples ne sont pas naturelles, mais artificielles, qu’elles furent provoquées par les milieux dirigeants, par les dynasties et les diplomates, par les milieux militaires et bureaucratiques supérieurs et, finalement, par une poignée de chauvins aveugles ; il faut savoir que cette haine n’a jamais pu prendre pied dans les masses. Toute saine parole historique trouva constamment les peuples des Balkans prêts et aptes à une action commune malgré toutes les dissensions antérieures etleurs tristes souvenirs. La guerre serbo-bulgare de 1885, en dépit de tont le sang versé et d’une propagande chauvine mutuelle d’une durée de 30 ans; ne put séparer ce qui était uni historiquement, ce qui ethnographiquement et culturalement ne fait qu’un et lorsque, en 1912, on dut renverser l’abject régime féodal turc qui produisit continuellement une corruption dans les Balkans, Serbes et Bulgares se rassemblèrent avec les Grecs en un clin d'œil pour l’œuvre commune. Vinrent malheureusement aussi vite dynasties, diplomates, militaires, chauvins pour anéantir, de concert avec les grandes puissances d'Europe, tout ce que les peuples des Balkans avaient créé dans le courant de quelques mois-au prix d'efforts enormes. L’obstacle principal à la Fédération des Balkans ce sont les monarchies balkaniques; les conditions préliminaires économiques et culturales les plus importantes nécessaires à l’union des Balkans existent déjà. Voilà pourquoi le devoir principal de la Social-Démocratie balkanique est de continuer et d'achever de discréditer les monarchies et les dynasties dans les Balkans ce que, d’ailleurs, la guerre actuelle a déjà commencé de faire dans une large mesure. »

Douchan PorovircH, secrétaire du parti socialiste.

(& suivre.) T. KATSLERONITCH, député.

Le comte Andrassy contre la Serbie

La « Neue Freie Presse » du 2 décembre publie un article signé par le comte Andrassy, dans lequel cet homme d'Etat magyar discute la politique autrichienne telle qu’elle se présente à la veille de l’ouverture des Délégations.

« Plus d’une fois, écrit le comte Andrassy, j'ai déclaré que je suis opposé à ce que nous prenions des engagements de principe dans les questions de politique étrangère. Je ne peux surtout pas approuver le point de vue de principe, que nous n’avons pas droit à des conquêtes ou à des indemnités pour les sacrifices énormes que nous avons

| dû consentir au cours de la guerre. Nos

adversaires ne se sont pas lié les mains. Pour les mêmes raisons, nous aussi, nous avons un droit moral aux conquêtes et aux indemnités. .

C'est une autre question d'opportunisme que de savoir si nous devons faire usage de ce droit. Cela dépendra des circonstances militaires et politiques. Notre but n'était pas de faire des conquêtes. Mais ce serait une grave faute, qne de nous lier au « Statu quo ante ».

Par ce moyen la paix ne serait pas assurée, car la guerre mondiale a commencé contre ou, plus précisément, à cause de ce « statu quo ».

Il est clair, par exemple, que la Serbie ne pourra pas être restaurée dans ses frontières antérieures.

= ———————— 0e

Dimanche, 23 Décembre 1917 - No 5] .

Le président du Conseil autrichien à fait hier des déclarations importantes qui, d’une. façon générale, me tranquillisent, car elles -sont tellement élastiques qu’elles nous ais. serit les mains libres. Il ne s'engage pas à. maintenir le « statu quo », mais il se borne à déclarer que nous ne tendons pas à faire. acte de violence. Ceci n'exclut pas le fait” que nous pouvons nous annexer certaines. régions.

Je dois ajouter encore que nous devons nous garder de faire des conquêtes qui. introduiraient dans notre pays un grand. nombre d'éléments ennemis qui, au lieu de nous renforcer, ne feraient que nous affaj… blir. Cependant, nous devons demander. la rectification de nos frontières stratégi.. ques. » N

Cet aveu du comte Andrassy sur les. causes de la guerre est à retenir. Il fournit. une preuve de plus de la préméditation. autrichienne. à

NOUVELLES DE SERBIE

Un anniversaire glorieux

Le 15 décembre, la Serbie entière célè.brait le troisième anniversaire de l’éclatante. victoire de Roudnik, qui couronna en 1914 les opérations contre les Autrichiens et mit définitivement hors de cause les armées dun. général Potiorek. C’est à cette date que le. communiqué serbe annonça la capture de. 60.000 soldats et officiers ennemis et un grand nombre de canons, de même que la fin de la poursuite des troupes défaites, dont un seul petit contingent avait réussi à. rejoindre le territoire autrichien. Aucune : troupe ennemie armée ne se trouve plus sur notre sol, disait le communiqué serbe, | dissipant ainsi le cauchemar de l'invasion, tandis que nombreux bataillons autrichiens qui sillonnaient les routes serbes se diri. geaient vers divers camps de prisonniers, Après la débâcle de l’armée . étant ED

le général Potiorek, homme qui, étant gouwverneur de Bosnie, fut indubitablement l’ins- : tigateur et le principal organisateur de las … sassinat de l’archiduc François-Ferdinand à Sarajevo, fut interné par le gouvernement : viennois dans un asile d’aliénés et jamais plus l’Autriche ne devait se hasarder à atta- quer l’armée serbe. Pour vaincre les Serbes, il a fallu la formidable armée alle- : mande de Mackensen et toute l'armée bul-. gare, mais ces forces réunies ne purent . pas quand même empêcher les vaillants soldats serbes de porter un an après leurs drapeaux au sommet du Kaïmaktchalan. : Après trois ans de cette guerre, cette date … mémorable apparaît comme un symbole . vivant de ce que peut faire, même dans le : plus grand dénuement, une armée qui a foi ” dans la victoire, et qui, contrainte à la. retraite, ne songe qu'à reprendre l'offensive. ù A l’occasion de cet anniversaire, le jour-… nal officiel de Corfou exhorte l’armée serbé” à se souvenir toujours des glorieuses trad" tions qui, sous le commandement de S. M.“ le roi Pierre et S. À. le prince héritier, lui. ont valu tant de victoires, et à continuer de * combattre pour le salut de la patrie avec la. même vaillance qui a fait que les ennemis" acharnés de la Serbie n’osent plus lui dis-® puter le droit à l'indépendance et à Ia liberté. 1

Les craintes des Magyars

Le professeur de l'Université de Buda-" pest, Jacob Bleyer, un Allemand de Hon-* grie, a publié dans le « Budapesti Hirlap vi du 18 novembre, un article très caractéris- # tique sur les tendances magyares : #

« La longueur de la guerre, dit entre autres le prof. Bleyer, ainsi que l'énergie sans

exemple et la propagande de nos ennemis M dont la ruse est inépuisable, ont provoqué une fermentation dans notre pays. : 22 C’est en Autriche que se trouve le champ | de bataille. Le but avoué, poursuivi dans 4 ces luttes, n’est pas seulement la disso-"

,

morcellement de la Hongrie. Ilest clair que les Tchèques, les Slaves du sud, : ainsi que les autres Slaves de la double « monarchie, Sont nos ennemis au même ! degré que les Russes, les Serbes et les « Roumains. Il nous est donc nécessaire de « Savoir de façon certaine sur quel soutien et \ Sur quelle alliance nous pouvons compter # dans notre lutte contre les Slaves de 18 * monarchie, lutte qui, très vraisemblable » ment, ne pourra pas être évitée. S

Nos Slaves ne reconnaissent-ils pas avec w une sincérité éhontée qu'ils attendent | de l’Entente la réalisation de leurs “ idéals, c’est-à-dire la dislocation de l'Etat au cours des conversations qui, autour de … la table verte, prépareront la paix? Nous. devons nous prémunir contre un tel ennemi»

Imprimerie Reggiani, Rue du Diorama, 1 …