La terreur à Paris
286 LA TERREUR A PARIS
beaux jours. Elle avait perdu sa grande influence dans beaucoup de sections : elle avait beau relever la tête, défendre avec animosité le féroce Carrier', ce n’était plus qu'une influence d’apparat. Les discours incendiaires des Jacobins n’excitaient plus que des huées et de plaisants éclats de rire. +
« Un jour, raconte Beaulieu, une personne de ma connaissance s'était placée à l'entrée de l’une de ces tribunes, et écoutait les déclamations d’un de leurs orateurs, dont voici l’exorde:
« Citoyens, les royalistes lèvent la tête, les aristocrates lèvent la tête, les Feuillants lèvent la tête, les fédéralistes lèvent la tête, etc., ete. » L'écouteur, prévoyant combien de têtes l'orateur avait encore à faire lever, s’impatiente,
et s'adressant à la Société : « Et moi, citoyens, je lève le derrière, et je m'en vas. » Peu accoutumés à entendre impunément de telles impertinences, tous les sociétaires, tous les habitués des tribunes sont en insurrection: des cris : « Arrêtez ! arrêtez ! » partent de toutes les parties de la salle ; mais le mauvais plaisant est au bas de l’escalier : il a gagné la rue, et déjà le pouvoir de la Société ne s'étend pas si loin. On ne saurait croire quel était l'effet de toutes ces bêtises sur l'esprit du petit peuple de Paris, l'unique espoir des Jacobins ; il faut connaître les bizarrèries de ce peuple pour s’en faire une idée ?. »
Dans la préface qu’il a écrite pour un curieux livre de M. Paul Eudel, tiré à petit nombre, Les Locutions nantaises, Charles Monselet a raconté les souvenirs de ses grands parents, M. Carrier.
* Beaulieu. Essais historiques.