Le Comité de salut public de la Convention nationale

HISTOIRE INTÉRIEURE DU COMITÉ DE SALUT PUBLIC 109

Dès le lendemain de la fête de l’Être suprême, il en parla vaguement au Comité. Couthon l’appuya ; mais les autres feignirent de ne pas comprendre. Il arrivait à ses adversaires de se faire des signes d'intelligence lorsqu'il faisait quelque proposition, et de lacombattre. L'opposition se dessinait de plus en plus nettement. A la séance suivante de la Convention (22 prairial), Couthon présente, comme venant du Comité, un projet de loi rédigé par Robespierre, et destiné à rendre la justice plus expéditive : le tribunal révolutionnaire était divisé en quatre sections pouvant juger séparément; les preuves morales suffisaient pour entraîner la condamnation ; enfin, — et c’était dans ce paragraphe que résidait toute l'importance de la loi, — le Comité desalut public avait le droit de traduire au tribunal révolutionpaire. Îl n’était pas dit formellement qu'il pourrait y traduire les représentants, mais les Montagnards clairvoyants l’interprétaient ainsi, et lorsque le projet vint en discussion, ils en demandèrent l’ajournement. Ro-

pour les donner à Couthon, et la guerre à Carnot au profit de Saint-Just. La trinité robespierriste aurait suffi à tout. Carnot et Saint-Just se détestaient ; une quinzaine de jours après la mort de Danton, une scène très vive eut lieu entre eux. SaintJust, soutenu par Robespierre, criliquait la direction desopérations militaires. Carnot répliquait avec fermeté. Saint-Just, qui ne pouvait supporter la contradiction, entre aussitôt dans une violente fureur : « Tu es lié avec les ennemis des patriotes, ditil à Carnot. Sache qu'il me suffirait de quelques lignes pour dresser ton acte d'accusation et te faire guillotiner dans deux jours.» — « Je t'y invite, répond Carnot. Je ne te crains pas, ni toi ni tes amis ; vous êtes des dictateurs ridicules ! » SaintJust de plus en plus exaspéré demande son expulsion immédiate du Comité. Mais Carnot se contente de lui répondre froidement : « Tu en sortiras avant moi, Saint-Just ! » Ses collègues ne disent mot. Surpris dela résistance qu'ilrencontrait, Robespierre sortit. Saint Just le suivit, jetant sur Carnot un regard menaçant. Carnot proposa alors à ses collègues de dénoncer les projets de Robespierre à la Convention. Ils n’osèrent pas, car ils estimaient que sa puissance était trop grande encore, et qu'il fallait attendre.— V. les Mémoires de Barère.

7