Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

a

CHAPITRE TROISIÈME. * 133

Mais le Monténégrin n'est malheureusement point orgueilleux seulement de ses prouesses guerrières, un sentiment étrange de mesquine vanité le poursuit dans jous ses actes. S'il est fier de l'admiration suscitée par son courage et ses hauts faits, il aime passionnément aussi attirer les regards par l'éclat de ses vêtements, la peauté de ses armes, la dignité imposante de son main tien et de ses allures : étrange accouplement dans la même nature de l'énergie la plus virile et des faiblesses les plus féminines que nous puissions concevoir. Et pourtant comment concilier cette hauteur si aristocratique du Tsernogortse, ce mépris des autres qu'il affiche quelquefois d'une facon si écrasante, avec les formes obséquieuses de son respect pour la personne de son prince ou même pour celle des dignitaires du pays? Cet homme, si glorieux de soi, venant humblement baiser Ja main, les vêtements, le pied même de son prince, offre un triste exemple du degré d’abaissement où nous pouvons descendre, à la faveur de l'ignorance, sous la pression d’une autorité personnelle et despotique. Un vent de liberté et d'indépendance semble souffler sur ces rochers de la Tsernagore, où la communauté des souffrances et des aspirations devrait à elle seule égaliser tous les rangs du peuple; et pourtant les préjugés de caste ont chez ce dernier toute la force qu'ils sont rapables d'acquérir dans les pays les moins démocratiques .

Rien ne manquerait à la réputation d'héroïsme des Monténégrins, sile reproche de cruauté qu'avec raison on leur a constamment adressé, ne venait malheureusement ternir les glorieux récits de leurs luttes et de leurs succès. Mais ici la critique a laissé de côté la question de

s