Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE TROISIÈME. 135

qu'en de rares occasions oui parler de tètes coupées sur Jes frontières.

Une des qualités de l'esprit monténégrin les plus développées est une finesse excessive, dégénérant d’une part en méfiance et de l’autre en duplicité. Aussi il n'est diplomatie comparable à celle du Tsernogorste, même dans les circonstances les plus ordinaires de la vie. Rarement vous arriverez à obtenir de lui un renseignement exact, S'il n'a pas quelque avantage à vous le donner; rarement vous connäîtrez son sentiment intime sur telle personne, son opinion véritable sur un fait accompli. Il à toujours une réticence ménagée pour le ças où il aurait à répondre d'une parole hasardée ou imprudente. Vous le trouverez le même encore s’il s'agit d'achats, de trafics quelconques, et c’est par de longs et savants détours qu il exploitera votre bonne foi et finira par vous amener à servir ses propres intérêts. La seule défense contre cet esprit tentateur, ‘c'est la franchise et la simplicité auxquelles il ne peut croire et qui le trou blent forcément dans ses manœuvres savantes. Du reste, ce défaut, comme tant d'autres, n'est-il pas, chez le Monténégrin, la conséquence obligée des misères de l'existence, des luttes constantes contre la nécessité, des révoltes de la faiblesse contre la force et l'oppression.

Poursuivi par la misère et n’aimant pas le travail, le Monténégrin est nécessairement intéressé ; c'est en hésitant que vous le voyez défaire le nœud du mouchoir qui contient ses pauvres épargnes, et ce n'est qu'à regret qu'il abandonne quelques swantzigs, pénible lent amassés; aussi, pour le plus faible bénéfice, il ne recule devant aucune perte de temps et attendra quelquefois des journées entières la solution d'un marché, pour peu