Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

188 LE MONTÉNÉGRO CONTEMPORAIN.

ment, eût un jour abandonné ou trahi le frère d'adoption dont il avait juré de partager les destinées. Mais qui pourrait redire tous ces épisodes du sacrifice à l'amitié, épars dans l’histoire des luttes monténégrines, où le dévouement d'un pobratsvo sauva la vie de son frère d'armes; qui pourrait dire aussi combien de fois un nouvel Achille pleurant un autre Patrocle aura répété le cri du fils de Pélée : « Mourons, puisque j'ai laissé tuer mon ami sans le défendre! »

Nous verrons, dans le récit des fiançailles, combien les préludes de l’hyménée tiennent peu de place dans la jeunesse du Monténégrin. Du reste, la vie en commun, l'active surveillance dont les filles sont l'objet de la part de la population tout entière d'un village, rendent les intrigues et les écarts difficiles et dangereux; et puis aussi l'amour-propre du jeune homme, qui ne veut pas être soupconné de faiblesse, l’arrête sur la pente facile des enivrements de son âge. Le mariage vient enfin de bonne heure fixer ses sentiments, et souvent c'est à dixhuit ou vingt ans à peine qu'il en accepte les devoirs. Le nouveau ménage continue généralement alors de vivre dans la maison paternelle, la bru n'étant qu'une auxiliaire de plus aux travaux de la maison et des champs. Si le logement est assez grand pour permettre la vie commune, on affecte une ou deux pièces aux jeunes mariés; mais souvent ceux-ci ne rencontrent point une semblable commodité et se casent un peu comme ils peuvent. D’autres fois, plusieurs maisons contiguës sont occupées par les enfants d'une même famille ou par de proches parents, et pour rétablir une sorte de communauté dans l'existence de tous, on a soin de percer dans la muraille, d'une maison à l'autre, une