Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE SIXIÈME. 189

ouverture par laquelle on se rend de nombreux services et qui permet aussi d'exercer une véritable police mutuelle sur les femmes, quand les maris sont absents de Ja maison, ainsi que cela ne leur arrive que trop souvent. Une veuve ne se permettrait même point d'enlever aux argus qui continuent de la surveiller ce moyen de contrôler sa conduite intérieure, et la mort d'un époux dont, bon gré mal gré, elle doit respecter la mémoire, n'a pas sonné pour elle l'heure de la liberté.

Après avoir suivi le Monténégrin dans les actes les plus importants de sa jeunesse, voyons-le maintenant à l'âge d'homme, jouissant de la plénitude de ses droits, revêtu de quelque grade militaire ou de quelque emploi public, ayant peut-être, ce qui est le terme de toutes ses ambitions, attiré les regards et obtenu les faveurs de son prince. C’est alors un personnage considérable, bien assuré de son mérite, charmé de recevoir les hommages, fier, méprisant, impératif à l'égard de ses inférieurs. N’essayez point de lui faire comprendre qu'il peut y avoir quelquefois de la grandeur à s’humilier : cette morale ne saurait arriver à son entendement. Sa vie va devenir une exhibition de sa personne et une parade de son courage et de ses autres qualités ; l’oisiveté journalière ne lui pèsera point, car elle lui donnera ce cachet aristocratique dont il s'enorgueillit.

Sa journée commence tard ; il s'habille soigneusement, revêt ses armes, car, à la facon de l’ancien Germain, il ne saurait paraître nulle part sans les avoir sur lui”, et va s'initier sur la place publique aux nouvelles

1 Nihil autem neque publicæ, neque privatæ rei, nisi armati agunt (G. C. Tacirus, De situ, moribus et populis Germaniæ, pars x.) dl;