Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE SIXIÈME. 191

discussion. Si nous sommes dans la pelite capitale, nombreux sont les gens qui arrivent pour des affaires à régler devant le sénat, des réclamations à adresser au prince, des comptes à régler ou, des marchés à conclure. Aussi le promeneur matinal trouve un ample aliment à sa curiosité, et atteint facilement l'heure où la cloche du monastère annonce qu'il. est temps de rentrer pour le repas. Ce n’est ni la variété des mets ni leur succulence qui viendront ici en aïde à l'appétit, car le menu du festin est à peu près toujours le même et la gourmandise y trouverait difficilement la moindre satisfaction. A côté du pain de seigle ou de maïs !, compacte et pesant comme une masse de plomb, ce sont des oïgnons crus, des pommes de terre ou quelque autre légume, des scorenzé salés, et le mets essentiellement national appelé castradina *, qui n’est que de la chèvre ou du mouton

! Pour fabriquer ce pain de maïs qui est le fond de l'alimentation de toute la principauté, on se contente de piler grossièrement le grain et d'en pétrir une pâte à laquelle on laisse à peine le temps de fermenter. Dans l'intervalle on a fait presque rougir dans l’âtre le plat d'argile qui remplacera le four, et, après y avoir déposé la miche énorme qui suffira pour plusieurs jours à la famille, on place le tout dans une sorte de niche existant constamment dans un coin de la chambre commune. Le pain est alors recouvert de la cloche en tôle sur laquelle on met une couche épaisse de cendre chaude et de braise, et, avant que le plat d'argile soit complétement refroidi, la cuisson du pain est achevée. Heureux qui peut se contenter d'une pareille nourriture! en quelque point du monde que l’entraîne sa destinée, il n'aura plus souci de sa subsistance, car la hutte du sauvage ne saurait lui offrir un aliment plus indigeste et plus primitif.

2? C’est à la fin de l'automne que se prépare cette viande de conserve, dont on exporie de grandes quantités sur le littoral de l'Adriatique, et que les marins dalmates affectionnent particulièrement. Dans le cours de novembre le sacrifice des chèvres et des moutons commence dans tous les villages, surtout dans ceux des Berda, où abondent les troupeaux. Les animaux, complétement dépouillés, sont mis en saumure, soit entiers, soit taillés en quartiers, dans des fosses creusées en terre, et y restent