Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

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se ménager Stiepan Mali, et apprenant sa déplorable position, ils lui envoyèrent de nombreux présents, parmi lesquels se trouvait une chaise à porteurs, dans laquelle Étienne se faisait quelquefois transporter comme un vrai dictateur.

IL s’occupa de nouveau de rétablir la justice, opéra le recensement des hommes capables de porter les armes, et s'établit en Tsernitsa pour surveiller de près les Turcs et leur tendre de perpétuelles embûches. C’est ainsi qu'il vécut jusqu'en 1774, et dans le courant de cette année il fut étranglé pendant la nuit par un Grec qui s'était insinué chez lui comme domestique, et qui sans doute était soudoyé par le vizir de Scutari, Mehemet Pacha Bouchatlia,

Le prince Dolgorouki a raconté dans ses Mémoires que Stiépan Mali était à son avis un homme des plus remarquables, qu’il était originaire de Bosnie et que c'était à l'instigation de l’archimandrite Marcovitch qu'il avait joué ce rôle d’imposteur. D’autres ont écrit qu'il était au contraire originaire de la Dalmatie, On doit reconnaitre qu'il obtint des Monténégrins plus qu'aucun vladika n’en avait encore pu tirer; -et du reste les Vénitiens, en entrant avec lui en fréquentes relations, montrèrent qu’ils ne l'avaient pas en moindre estime que le prince Dolgorouki lui-même. Ils écrivirent même au doge à son sujet : « Ses paroles respirent toujours la paix et la cordialité, les bonnes mœurs ; ses réponses sont nettes, précises et sages; son intelligence est brillante et il ne manque d'aucune des qualités nécessaires pour le gouvernement. » La mort d'Étienne le Petit laissait de nouveau le pouvoir aux mains de plus en plus débiles du vladika Sava; aussi Mehemet Pacha Bouchatlia se hâta d’en profiter pour s’élancer sur les Koutchi à la tête de trente mille combattants. Mais, victorieusement repoussé, il dut se retirer avec une perte de mille hommes. Cependant les nombreuses victoires remportées par les Russes forcèrent la Turquie de signer à Koutchouk-Kainardji, près de Silistrie (10 juillet 1774), une paix des plus avantageuses pour la chrétienté tout entière; si les Monténégrins ne fu-