Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE TREIZIÈME. 381

d'emprunter à Bolizza au moins une partie des longs détails qu'il consacre à ce sujet, traité par lui comme s'il se füt agi des affaires d'État les plus capitales. Ces chefs de tribus d'une noblesse plus ou moins hypothétique, auxquels on alloue tantôt six, tantôt douze talari pour accompagner d’une station à une autre des porteurs de dépèches, apparaissent là comme des types curieux d'un temps où le dévouement s'achetait à peu de frais, époque, il faut l'avouer, hélas! de toute facon bien éloignée de nous.

Malgré les tentatives plus ou moins heureuses faites depuis quelques années pour relier entre eux les principaux centres du pays, on peut dire que le Moniénégro, tel qu’il est encore aujourd'hui, ne possède pas un seul kilomètre de route vraiment digne de ce nom. À partir de la frontière autrichienne, le chemin de Cattaro à Tsettinjé, tour à tour sentier plus ou moins bien tracé, ou reconnaissable seulement à l'usure des rochers par le passage incessant des piétons et des mulets; transformé fréquemment en une échelle de rochers aux degrés abruptes, devant lesquels le cavalier, s'il n’est parfaitement sûr ni de lui-même ni de sa monture, doit forcément mettre pied à terre, ne donne en aucune facon l'idée d’une voie préparant l’accès à une capitale. Entre la frontière et Niegoche, à l'entrée même de la plaine de Tsettinjé au-dessus du village de Baïtz, et sur plusieurs autres points, il semble que l'on ait à dessein respecté les obstacles opposés par la nature au passage, obstacles dont on eût pu pourtant, avec un peu de bonne volonté, triompher sans aucuns frais pour le gouvernement. Du reste, le voyageur y gagne en pittoresque ce qu’il perd en sécurité, et peut-être les Monténégrins ont-ils com-