Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE QUATORZIÈME. 389

sente alors, au point de vue judiciaire comme à beaucoup d’autres, une sorte d'État dans l'Etat; il se gouverne, s’administre d’après une impulsion venue sans doute du pouvoir civil ou religieux existant, mais dans une indépendance complète des autres bratsvone. C'est donc dans le bralsvo' que nous retrouverons toutes les formes judiciaires des premiers temps de la Tsernagore : c’est là que nous devrons les étudier.

Les anciens auteurs serbes, comparant les formes de la pénalité en usage dans les provinces ottomanes voisines, avec celles qui sont en vigueur au Monténégro, font remarquer d'un commun accord, qu'au contraire de ce qui a lieu chez les Turcs, où des peines corporelles nombreuses sont infligées aux chrétiens, esclaves du Croissant, les gens de la Montagne-Noire ne sont eux-mêmes condamnés pour toute espèce de faute qu’à une amende (glôba) en rapport avec l@culpabilité. L'orgueil monténégrin eût accepté difficilement l'opprobre du fouet ou de toute autre peine infamante, et les chefs de la Tsernagore durent hésiter longtemps avant d'introduire dans le pays un moyen de répression que nous verrons plus tard inspiré par d'impérieuses nécessités.

Le droit d’élire ses propres juges appartenait à chaque famille, et les fonctions de ces mêmes juges, restreintes dans les limites du bralsvo, ne pouvaient sous aucun prélexte, autre qu'une simple consultation, s'exercer au dchors. Ils ne devaient même ni ne pouvaient critiquer à façon dont un tribunal voisin remplissait son le et appliquait la pénalité, Chaque année, au jour de la fête

1 Bien que nous devions plus loin employer ordinairement le mot famille, on devra se rappeler qu'il s'agit du bratsco lui-même, et non de la foutcha.

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