Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

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ce qui se passait alors, et ce qui a lieu aujourd’hui devant le sénat lui-même, nous chercherions en vain une différence sensible. Si les représentants de la justice se sont élevés en dignité, les plaideurs néanmoins abordent aujourd’hui la barre de l’auguste tribunal avec un sansfaçon non moins grand que celui avec lequel ils se présentaient jadis devant le tribunal de famille.

Les juges et les plaideurs s'étant réunis sur le lieu ordinaire des séances, les membres du tribunal s'asseyaient sur le gazon ou sur la pierre, et faisaient placer en face d’eux soit les accusés soit les gens qui avaient à régler entre eux une affaire devant la justice (davoudja). Ceux-ci étaient alors avertis par un des juges qu'ils ne devaient point s'interrompre réciproquement, mais ne prendre la parole qu’à leur tour, chacun exposant librement ses raisons. L'un des interlocuteurs commençait donc sôit l'exposé de sa plainte soit le plaidoyer de sa justification, en s’entourant de toutes les circonlocutions nécessaires pour faire jaillir la vérité, ou, s’il y avait intérêt, pour l’obscurcir. Si grande que püût paraître la mauvaise foi du plaideur, si prolixe que fût son éloquence, il était interdit au tribunal de mettre un terme à cette exposition qui devait elle-même servir de base au procès. Quand le premier intéressé avait cessé de parler, le tribunal lui demandait de nouveau : « Avez-vous encore quelque chose à dire? » S'il répondait « Non », la parole était donnée au répondant, qui en usait avec la même liberté. Venait ensuite le tour des témoins de chaque partie; interrogés tour à tour, ils rapportaient ce qui était à leur connaissance, confirmant ou infirmant, sans aucune espèce de contradiction, les assertions des plaideurs. Toutes ces dépositions achevées, le tribunal