Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

398 LE MONTÉNÉGRO CONTEMPORAIN.

leur préféré, démentent et menacent l'adversaire. Au plus fort de ces débats tumultueux, que le juge étudie avec sagacité, s’avance ordinairement un chef ou un homme âgé : « Moi, dit-il, je connais l'affaire mieux que tous ces gens-là ; si je me trompe, ils pourront me répondre.» Alors le rapporteur officieux commence par énoncer des faits se rapportant indirectement au procès, mais connus de tout le monde; puis s’arrêtant et interpellant l’auditoire : « N'est-ce pas la vérité? — Oui, c'est vrai. » Alors l'orateur entre dans le cœur de la question. IL gradue avec habileté ses assertions, s’interrompt chaque fois pour se faire donner de nouveaux certificats de véracité. Quelquefois il est arrêté par une explosion de dénégations ; alors il se retourne vers le juge et l’adjure de faire respecter l'amour de la vérité en sa personne. Comme les Monténégrins prisent fort le renom d'homme juste et éloquent, il est rare que l’orateur se soit aventuré hers des faits et des suppositions probables. Il a donc captivé l'assistance, et le juge impose silence aux contradicteurs. »

On voit, par cette eitation où tout est vérité, que la profession d'avocat n’aurait aucune raison d’être au Monténégro, peu de gens y étant incapables de plaider leur propre cause, et les défenseurs volontaires ne manquant en aucune occasion à ceux qui en auraient besoin. Nous avons vu le président du sénat lui-même, quittant mo0mentanément ses attributions de juge, discuter avec ses collègues les motifs allégués par l'accusé, et défendre avec passion celui qu'une heure plus tard il devait peutêtre condamner. :

Après cette courte digression, revenons encore au es bunal du bratsvo, et étudions les moyens dont disposait