Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE QUATORZIÈME. 399

le tribunal de famille pour arriver à la découverte de la vérité ; et comme c’est au vol que la pénalité s’adressait dans le plus grand nombre des cas, il importe de nous arrêter d’abord à ce genre de délit.

Ce qu'on voulait avant tout, c'était éviter que les soupcons ne se portassent sur un innocent. Or, dès qu’un vol avait été commis, si des indices certains n’en trahissaient point l'auteur, on avait recours au sok et à la sodjbina ”.. Le sok est l'individu qui connaît le coupable ou qui peut arriver à sa découverte; la sodjbina est la récompense pécuniaire ou autre promise au sok pour dénoncer le voleur ou pour le rechercher. La sodjbina était naturellement fixée d'après la valeur de la chose volée. Dès qu'un objet quelconque avait été soustrait à un Monténégrin, celui-ci publiait à travers la plaine et même au delà, que s'il se trouvait un s0k capable de révéler l’auteur du larcin, il recevrait tant de sodjbina. Si quelqu'un avait des indices certains sur le voleur, il allait trouver celui-ci, et, après lui avoir démontré par des détails précis qu'il savait tout ce qui s'était passé, il lui conseillait amicalement de restituer la chose volée ou d'en rendre la valeur, et de payer la sodjbina pour éviter d'aller en justice. Si le coupable se refusait à entrer en composition, il ne tardait point à être dénoncé et appelé en justice où, par tous les moyens, il cherchait à établir son innocence. Alors le tribunal faisait inopinément comparaître le sok qui, par des témoignages accablants, réduisait bientôt le voleur à faire des aveux complets. Celui-ci disait alors : « Je suis coupable; je payerai tout ce que la justice décidera. »

1 Littéralement : le délateur et la prime de délation. On voit que les Monténégrins n'étaient pas très-scrupuleux dans le choix de leurs moyens,