Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

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quillement ses travaux dans la campagne, sans que se produise chez lui aucun des graves phénomènes de l'insolation. Les produits de la transpiration accumulés dans ses vêtements de laine ; la saleté de ces derniers, qui sont du reste d’un entretien très-difficile ; l'habitude de manger avec les doigts, et sans aucune précaution , les viandes, le fromage, les oignons crus ; le séjour dans l'atmosphère enfumée des cabanes donnent à la personne du Monténégrin une odeur repoussante, qu'on peut appeler sui generis, et dont se souviendront surtout ceux qui l'ont sentie dans ces tavernes ou k'rchmas, où s'accumulent, aux jours du bazar, les gens du peuple venus au marché.

Le maïs, la pomme de terre et le laitage forment la base de l'alimentation des Tsernogortses ; la viande fraiche ou salée n'apparaît sur leurs tables que comme un objet de luxe, et non point comme une chose de consommation journalière. Pourtant, au lieu de rechercher dans leur pain de maïs, comme dans celui de seigle, une finesse et une perfection qui le rendissent un aliment agréable, ils ne tiennent à obtenir, avec leur grain à demi broyé, qu'une masse pesante et grenue faile pour rebuter les estomacs les plus complaisants. A qui vient leur donner le conseil de raffiner leur farine par un blutage supérieur à celui de leurs gros tamis, ils répondent que l'on n'aurait plus alors qu'un pain indigeste et malsain !..

! Faut-il croire que la nature a donné à ces gens dénués de toute notion scientifique la solution de cette importante question du rôle du son dans l'alimentation; question dans laquelle l'illustre Millon battit en brèche toutes les idées reçues, en affirmant que « la blancheur du pain est une qualité purement idéale qui le prive de son condiment naturel, »