Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

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rait en vain autre chose qu'un empirisme absolu, le soin de la santé publique étant généralement l'apanage de quelques familles dans lesquelles se conserve le secret de divers arcanes plus ou moins mystérieux.

L'usage de la saignée était très-répandu dans le pays avant l'apparition du choléra de 1867 ; mais depuis ce moment elle est un peu tombée en discrédit, sans doute à cause de l'abus malheureux qui en fut fait alors par quelques médicastres appelés au Monténégro par l'épidémie. Du reste, le Tsernogortse n'attend point le médecin pour exécuter cette petite opération. Il se contente de prendre une sangsue qu'il s'applique sur la veine basilique, et dont la morsure suffit à amener l'écoulement qu'il désire. Pour arrêter le sang, il emploie une toile d’araignée, ou mieux encore un duvet obtenu par le grattage d'une peau imprégnée de tannin. Les sangsues sont restées en grand honneur, et même certains individus, pour n'avoir ni à les payer, ni à les chercher, se contentent d'entrer dans les marais qui en contiennent et laissent s'attacher à leurs jambes jusqu'à cinquante et soixante de ces animaux. On s'applique également des ventouses à tout propos, ef comme on emploie une corne de bœuf à cet usage, c'est une habitude vulgaire de dire à une personne qui se plaint de quelque douleur : « Mets-toi cinq ou six cornes. » Aux vésicafoires comme aux ventouses s'attache une confiance particulière, et cet agent thérapeutique est encore des plus fréquemment employés.

Les Monténégrins estiment beaucoup les médicaments émétiques, mais ils appréhendent au contraire singulièrement les purgalifs. Aussi dans leurs indispositions, le premier désir qu’ils expriment au médecin, c'est qu'il les fasse vomir. Du reste, considérant toutes les maladies